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ondres, 1902 : le monde ne connait plus le papier ni l’écriture manuscrite. Officiellement, cette lacune est due à des raisons écologiques et économiques. Mais la vérité est bien différente : des décennies plus tôt, n’importe qui pouvait donner vie à une créature rien qu’en griffonnant sur une feuille, ce qui conduisit à une guerre sans merci par papercut interposés. Aussi, lorsque le ministre des finances est tué dans son cabinet par une entité mystérieuse et que la police retrouve un morceau de papier sur le cadavre, l’inspecteur Carlton Lester en réfère-t-il immédiatement au maire. Face au péril que représente ce feuillet, Malcolm Little décide d’engager celui qu’il croit le plus apte à pister le terroriste et à le combattre en usant des mêmes armes : Jules Verne. Le jeune écrivain et inventeur à succès débarque en fanfare accompagné de son ami et discipline, Arthur Conan Doyle, qui démontre aussitôt son talent d’enquêteur. Très vite, le duo doit affronter un papercut qui ravage le centre-ville, sans savoir qu’ils sont suivis par une agente américaine du Culper ring qui lutte contre des trafiquants produisant du papier.
Avec City Hall, Rémi Guérin (Les véritables légendes urbaines, Explorers), au scénario, et Guillaume Lapeyre (Les chroniques de Magon, Ether), au dessin, proposent une uchronie à l’ambiance steampunk où se mêlent des personnages réels de différentes époques, une enquête riche en rebondissements, ainsi qu’un secret d’envergure internationale, le tout saupoudré d’humour. Débutant sur les chapeaux de roue, ce premier tome entraîne immédiatement le lecteur dans l’atmosphère d’un Londres à la fois familier et différent, où le danger guette les héros à chaque instant. La mise en place de l’intrigue, tout comme la présentation du contexte et des divers protagonistes sont parfaitement orchestrées et très efficaces. L’aventure prend ensuite le dessus, bénéficiant dans ses péripéties du principe voulant que celui qui sait tenir un stylo et possède une feuille peut donner naissance à n’importe quelle chimère issue de son imagination. Avec deux écrivains dans le secteur, il est évident que cet élément joue un rôle essentiel et ouvre de vastes possibilités.
De ce point de vue, et de manière générale, le scénariste a réussi son coup, suscitant la curiosité, ménageant le suspens et fournissant au public de quoi satisfaire sa soif de tribulations épiques et de combats échevelés. Le rythme très soutenu ne laisse d’ailleurs aucun temps mort, les événements se succédant sans discontinuer et les dialogues, verbeux, fusant à tout-va. La matière ne manque donc pas. Cependant, les deux génies de l’enquête (et de l’écriture) que sont Jules Verne et Arthur Conan Doyle s’avèrent parfois très agaçant, imbus d’eux-mêmes, voire assez têtes à claque. Si, sur le terrain, la paire fonctionne plutôt bien, les passages plus comiques les ramènent à une juvénilité un peu niaise et moins intéressante. Enfin, le récit est porté avec une force et un dynamisme incontestables par le graphisme travaillé et maîtrisé de Guillaume Lapeyre qui livre ici une copie convaincante. L’expressivité des personnages n’a d’égale que le soin apporté aux détails, notamment en ce qui concerne les décors. Le découpage millimétré et les cadrages variés accentuent l’énergie se dégageant de l’ensemble, tout en assurant une bonne lisibilité, affrontement compris.
Divertissant et trépidant, ce premier volet de City Hall se lit avec plaisir, malgré quelques bémols.
Il démontre également que le manfra n'est pas un sous-manga à la sauce française, mais bel et bien un genre à part entière qui peut, tout en puisant à sa source d'inspiration, produire quelques bons titres se libérant des schémas déjà-vus.
Londres 1902. Le papier a disparu depuis deux siècles car tout ce qui est écrit prend vie. Malheureusement, le monde est en danger quand Black Fowl, esprit démoniaque, en prend possession. Pour le contrer, deux écrivains géniaux, Jules Verne et Arthur Conan Doyle et une belle aventurière, Amelia Earhart. Rémi Guérin créé une intrigue enlevée et prenante, joliment mise en dessin par Guillaume Lapeyre. Un très bon premier tome qui donne envie de lire la suite.
City Hall est un manga européen, avec la qualité de fabrication attendue pour un manga; le sens de lecture est donc européen. Les couvertures des volumes sont attrayantes et les auteurs se sont éclaté sur la maquette, remplie d’engrenages et autres effets « Steampunk » qui immergent dans l’ambiance. Les chapitres sont entrecoupés de « character files » (description d’un personnage de l’histoire) issus du monde du jeu vidéo comme les japonais les adorent. Enfin, des phrases de lancement de l’épisode suivant sont insérées en dernière page afin de renforcer l’effet feuilleton. Le manga est découpé en deux cycles de 3 volumes puis 4 volumes reliés. Un boulot sérieux.
La grande force de cette série (qui n’a pas convaincue les premiers éditeurs contactés!) réside dans son idée principale, à savoir un monde où le papier a été banni car tout ce qui y est inscrit prends forme instantanément… La seconde idée est celle d’un univers steampunk où le niveau technologique proche du notre est basée sur la vapeur, la mécanique et la technique de la première révolution industrielle… et où les grands auteurs et personnages de la littérature fantastique et policière du XIX° siècle sont présents dans l’histoire. Cela fait longtemps que je n’avais lu une idée aussi forte, peut-être depuis la Ligue des Gentlemen extraordinaires d’Alan Moore à laquelle se réfèrent de façon évidente les auteurs. Ainsi les personnages principaux ne sont autres que Jules Verne, Arthur Conan Doyle, Marie Shelley ou encore Harry Houdini. C’est parfaitement assumé et les auteurs s’amusent à débarquer une nouvelle figure connue dans un jeu à la fois totalement libéré de toute contrainte et qui apporte une familiarité très efficace avec le lecteur.
Mais là où les idées fabuleuses d’un Alan Moore ont souvent buté sur le choix d’artistes aux qualités très discutables, le dessin de Guillaume Lapeyre est étonnant de précision et de souplesse. L’imagination et le bon goût graphiques immergent dans cet univers aux contrastes superbes. Le jeune auteur a une marge de progression dans certains plans fouillis et certaines anatomies, mais le tout est globalement très maîtrisé et surtout décomplexé. Le plaisir des deux auteurs transparaît à chaque planche, dans un style ado qui colle parfaitement au format manga et que les plus exigeants pardonneront. Sur le plan scénaristique, les mêmes défauts transparaissent, à savoir des sauts brutaux qui nuisent à la lecture et une difficulté à tenir la longueur de trois gros volumes même si l’intrigue dans son ensemble est de très bonne tenue.
Nous sommes donc en présence d’un manga plaisir qui remplit plutôt très bien son envie de départ. Une énergie communicative sort de ces centaines de pages. Et l’imagination du duo continuera puisque leur nouvelle série, Booksterz reste dans la même veine: un manga de baston mettant en confrontation les créatures et personnages des contes et classiques de la littérature…
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2016/09/26/city-hall/
Londres, 1902. Imaginez un monde reconstruit, entre locomotives, turbines, armes à feux qui pétaradent et quelques pointes de technologies plus ou moins connues (internet, tablettes...) Bref STEAMPUNK quoi !!! Après Le réseau Bombyce (Humano) et Le régulateur ( Delcourt) enfin un petit retour du steampunk dans le mondes des bulles... Rien que ça, c'est super motivant ! Au début, la ville est "juste" envahie par des grosses bestioles qui dézinguent tout sur leur passage et ce n'est qu'en avançant un peu dans le récit qu'on comprend véritablement l'histoire proposée... Celle d'un monde où tout ce qu'on écrit se réalise ! Une plume et un cahier, et tout débordement apocalyptique est possible ! Pour éviter tout débordement, le papier et l'écriture manuscrite ont donc été interdits par les gouvernements. Mais lorsque les créatures zarbis (qui ont envie de tout péter) attaquent, la police et le maire de la ville comprennent vite que ce genre d'exploit ne peut être rendu possible que par quelqu'un qui aurait commandité tout ce qui se produit par le pouvoir de l'écrit.
A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. La police ne fait pas appel à un SWAT sauce steampunk super entraîné (pas de suite...) mais aux deux fines plumes de Londres : Jules Verne et Arthur Conan Doyle. Dans un monde où l'écriture n'est plus enseignée, le nouvel ennemi public numéro 1 semble détenir du papier et l'éducation indispensable pour écrire. Le papier et l'écriture étant interdits depuis 200 ans, personne ne peut les arrêter ! Ou presque. L’écrivain et inventeur de génie, Jules Verne, est le seul qui, enfant, a reçu un enseignement à l'écriture manuscrite. Talentueux créateur d'aventure et de fantastique, il sera secondé par un plus jeune écrivain numérique, Arthur Conan Doyle, le petit malin qui résout toutes les énigmes!
Poursuivis par des monstres ou sauvés par une jolie agent spéciale, l'équipe de choc de City Hall a tous les atouts pour rappeler l'importance des mots, leur pouvoir, tout ceci dans une société prônant l'industrie et le travail à la chaîne, dans un monde fictif en noir et blanc... ou dans le notre, bien réel. Il s'agit d'une série évènement, qui se fera une place dans le coeur des plus jeunes lecteurs comme des moins jeunes, filles ou garçons. Une série de mangas français, représentant les fines plumes de notre culture, qui revendique des idées qui iront plus loin que l'histoire en premier plan. En plus, le premier tome ne se finit pas en plein suspens, et peut donc vous permettre de faire découvrir à tous cette pépite en l'offrant ou en le proposant en lectures communes.
Je vous conseille donc vivement City Hall, un manga français qui se finira en trois tomes, avec de l'action et une histoire travaillée, qui vous fera passer un très bon moment !
Extrait de http://rayon-passion.blogspot.fr/2012/08/critique-city-hall-remi-guerin.html