Clara (Lemoine/Cécile) Clara

O ublier son anniversaire ? Clara sait que ses parents ne le feraient jamais. Pourtant, le jour de ses sept ans, elle ne trouve ni gâteau à déguster, ni cadeau à déballer et sa (super) maman comme son papa (rigolo) ont l’air ailleurs. Déçue, la fillette remise dans un tiroir la vieille poupée de chiffon que sa mère lui donne en promettant qu’elle aura autre chose plus tard. Le lendemain, tout semble redevenu normal. Impossible d’imaginer que, derrière son sourire, sa maman est malade et doit bientôt partir à l’hôpital. Mais elle guérira, hein ? Le temps passe, long. Un après-midi, la petite fille apprend que sa mère est partie. « Partie où ? », demande-t-elle. « Loin, très loin ». Elle ne reviendra plus. Jamais. Face à cette disparition dont elle comprend mal la nature, Clara se tourne vers ce qui lui reste de sa maman : cette poupée dont elle ne voulait pas.

Chacun a été ou sera confronté à la perte d’un proche, d’un être cher. Les plus jeunes aussi. Comment leur expliquer cette fin, inévitable, qui, parfois, survient bien trop tôt ? Comment peuvent-ils l’appréhender et faire leur deuil ? Comment vivre soi-même ce vide ? Christophe Lemoine répond à ces questions avec une justesse et une sensibilité qui n’ont d’égales que la tendresse du dessin imprégné de délicatesse de Cécile. Touchante, poignante, l’histoire de Clara raconte la mort, tellement injuste, de cette maman et ses répercussions avec une pudeur rare autant qu’appréciable.

Fluide, la narration rapporte le point de vue, innocent, de la petite fille. Si celle-ci sent que l’atmosphère s’alourdit après son anniversaire, elle ne saisit pas bien ce qui est en jeu. De même, lorsque l’annonce fatale tombe, elle peine à comprendre, à traduire son ressenti, à admettre la réalité. Tristesse, désarroi, peur trouvent alors leur expression dans une métaphore joliment et intelligemment amenée par Christophe Lemoine. Grâce à la poupée de chiffon offerte par sa mère, Clara peut enfin mettre des mots sur cette douleur, la dompter en partant pour le château du Haut-Chagrin, en traversant le Fossé des Larmes et en affrontant, courageusement, le Grand Croque-tout. L’auteur n’oublie cependant pas de rappeler que la vie triomphe et que la transmission (des gènes, d’un objet) permet aux chers disparus de vivre toujours dans le cœur de ceux qui les aiment.

Autant que le récit, le dessin de Cécile transmet avec force l’intensité des sentiments exprimés. Son trait et sa mise en couleurs d’une infinie douceur font contrepoint à la peine qui sourd de ces quarante-huit pages, assurant un certain apaisement tout en rendant encore plus tangible le réalisme de cette histoire. Par ses tons grisâtres dont seule se détache la silhouette colorée de l’héroïne, le passage poétique et métaphorique traduit parfaitement bien le vide, la sensation d’abandon, ainsi que le chagrin laissés par la perte.

Album magnifique, tendre et délicat sur un thème difficile, Clara saura toucher enfants et parents.