I
sako se réjouit le jour où son père, un tisserand apprécié, accepte enfin de l’emmener avec lui livrer des kimonos dans une okiya. Cependant, sa joie est de courte durée lorsqu’elle s’aperçoit qu’elle a été vendue à dame Masako. Incrédule et déboussolée, l’adolescente s’interroge. Pourquoi s’est-on débarrassé d’elle ? Qui sont ces deux sœurs aînées, courtisanes réputées, dont elle vient d’apprendre l’existence ? Et quels secrets sa mère peut-elle bien avoir. Petit à petit, Isako trouve les réponses à ses questions, tandis que, guidée par sa collègue Hiromi, elle découvre, entre peur et fascination, la vie des geishas. Un univers feutré où les jalousies règnent.
Parfaitement dans le ton du catalogue de la collection Blackberry des éditions Soleil, Petite Geisha est, des dires mêmes d’Isabelle Plongeon, la scénariste, né de son intérêt pour le monde des okiyas et de leurs locataires, suite à sa lecture de Mémoire d’une geisha. Bien documentée, l’auteure a choisi de raconter, ici, le parcours d’une jeune adolescente au milieu de ces dames aux talents consommés en danse, chant et musique.
À travers le regard d’Isako, cet apprentissage permet d’ouvrir une fenêtre sur certaines réalités moins reluisantes : la compétition entre les différentes maisons de geishas, les rivalités plus ou moins exacerbées entre ces dernières, le système de protection par le dana et le poids de la dette contractée par la courtisane lors de son entrée à l’okiya. Le récit se double d’une quête identitaire de l’héroïne qui cherche à connaître le passé de ses parents, pour mieux comprendre comment elle en est arrivée là. Les révélations viennent rapidement et permettent au lecteur de cerner les vrais dessous de la vente d'Isako, grâce à quelques éléments un peu trop visibles. Dommage que cette dernière ficelle soit si grossière et laisse aussi peu de suspense pour la suite.
Bien rythmée et ménageant de façon équilibrée action, flashbacks et réflexions, ce premier tome est également porté par le dessin agréable de l’Italienne Daniela di Matteo. Si son trait est parfois un peu trop épais et non dénué de quelques défauts, l’expressivité des visages, le soin et le détail apporté aux vêtements ne manquent pas de faire mouche. Le découpage net ainsi que les cadrages précis, à défaut d’être audacieux, contribuent à la fluidité et au dynamisme de l’ensemble. La colorisation réussie d’Andres José Mossa et Yellowhale rehausse joliment le tout, par le biais d’une palette aux nuances riches et chatoyantes.
De bonne facture, L’Okiya des Mystères n’est pas dépourvu d’intérêt malgré une certaine facilité scénaristique. À conseiller plutôt aux jeunes filles en fleurs.
Poster un avis sur cet album