L
ors de sa rentrée à Utopia, un établissement réservé à l’élite, Sora Himoto découvre avec horreur que les jeunes filles y subissent la tyrannie des garçons, avec la bénédiction du groupe Hiwahijiri qui gère l’école. Pire, elles servent d’armes plus ou moins performantes, mais aussi de trophées à un jeu virtuel, l’Hexagram, qui permet à la gent masculine de s’affronter. N’écoutant que son courage, Sora décide d’intervenir, malgré les avertissements de son amie Tsuki. Ainsi, quand la jolie Koharu, qu’elle vient de rencontrer, est maltraitée par son possesseur, accourt-elle à sa rescousse, enfreignant toutes les règles du lycée. Sa victoire et le fait qu’elle ait pu, malgré son sexe, participer au combat attire toutes les attentions, à commencer par celle du conseil des élèves…
Voilà un titre à ne pas laisser dans les mains d’une féministe, même des moins acharnées, au risque de l’entendre hurler et de la voir monter au créneau. Et pour cause ! Le principe qui sous-tend le fonctionnement de l’académie où se déroule l’action a de quoi hérisser le poil ou faire grincer les dents de beaucoup de femmes. Ce serait oublier que, dans les années 90, le shojo Utena, la fillette révolutionnaire mettait en scène une héroïne rêvant de devenir un prince pour sauver les belles en détresse et s’adonnant, elle aussi, à des duels contre les mâles de son école. Cette série marchait d’ailleurs dans les traces du célèbre La Rose de Versailles (connu, dans sa version animée, comme Lady Oscar). Peut-on alors voir dans Lost Paradise une sorte de reprise, éventuellement parodique, de ce genre ? C’est possible, mais loin d’être sûr.
En revanche, une chose est certaine, l’histoire conçue par Toru Naomura s’adresse à un public d’adolescents, bien masculins. Les cadrages sur les jupes très courtes et les poitrines, plus ou moins opulentes, des donzelles qui peuplent les pages ne laissent aucun doute. Pas plus que la tendance de l’auteur à jouer avec les codes du shojo-ai (comprendre « romance entre filles »), puisque, bien des fois, il montre les « princesses » libérées par Sora totalement énamourées de leur chevalière servante ou aux petits soins envers celle-ci. Au-delà de cet aspect qui pourra émoustiller les sens de certains, force est de constater que le récit s’avère répétitif et d’un simplisme affligeant. En effet, après son premier combat, la principale protagoniste doit de nouveau affronter le même adversaire à plusieurs reprises, comme celui-ci se révèle plus hargneux que consistant, l’ennui finit par poindre. Pourtant, la narration ne manque pas de rythme ni de substance potentielle, puisque les scènes d’action s’enchainent et que quelques mystères sont soulevés. Malheureusement, la majeure partie des ficelles sont tellement grosses que le lecteur sent les révélations venir bien à l’avance. Restent alors un dessin, plutôt agréable et fortement typé shônen, un découpage soigné et une dynamique avérée des planches qui facilitent la lecture et emmènent sans trop de peine jusqu’à la dernière page. Ce n’est guère suffisant.
Un album peu convaincant qui sera aussi vite oublié que lu.
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