Ratman 1. Tome 1

S hûto Katsuragi a un idéal et il le clame bien fort... en cachette : « un jour, je serais un super-héros ! ». C'est décidé, il fera tout pour décrocher son permis de super-héros, n'en déplaise à ceux qui se moquent de sa petite taille. Dans le monde qui l'entoure, les redresseurs de torts costumés et masqués prolifèrent et accomplissent leurs actes de bravoure en scandant des slogans à la gloire de leurs sponsors. La vocation semble avoir disparu et le sacerdoce être devenu un job comme les autres. Shûto refuse qu'il en soit ainsi et réfute l'idée selon laquelle « l'héroïsme est mort à l'instant où le business s'en est mêlé. ». Un jour, n'écoutant que son courage, pour sauver une lycéenne qui lui a témoigné un peu d'intérêt, l'adolescent tombe à pied joint dans un piège tendu par Jackal, une organisation secrète, qui souhaite le transformer en super-vilain pour exécuter ses basses œuvres. Dans le feu de l'action, il s'engage dans le camp des méchants et devient Ratman.

Résumer l'action des deux premiers volumes de la nouvelle série shônen publiée par Kana de cette façon éveillera sans doute l'intérêt d'un public déjà engagé dans l'âge adulte. Les amateurs pourront y reconnaître quelques thèmes connus du genre "super-héros" tels que l'apprentissage d'une nouvelle puissance avec les dommages collatéraux qui en résultent ou la difficulté liée à un anonymat qui prend parfois l'allure d'une malédiction. Surtout lorsqu'on est entouré d'une mignonne et douce blonde prénommée Mirea, qui révèle être la petite sœur de l'âme damnée aux manettes de Jackal, d'une dynamique brune, Rio, d'un an l’aînée de Shûto et accessoirement fille du Président de l'Association des super-héros dont elle rêve, elle aussi, de rejoindre les rangs. Sans compter, la jeune et jolie rousse apprentie journaliste, Chihaya, lancée à la recherche du scoop à propos du groupuscule malfaisant qui utilise le dernier musclé en collant apparu sur le marché.

Pourtant, si ces dimensions existent bel et bien, il ne fait aucun doute que cette série s'adresse avant tout à un public qui a l'âge du lycéen qu'elle met en scène. Shûto est de fait pieds et poings liés envers Jackal mais le lien n'est pour le moment symbolisé que par un contrat signé à la va-vite. Celui-ci pourrait ne pas faire long feu face à l'ire d'une force de la nature capable de botter le derrière des super-héros professionnels. D'autant plus qu'on voit mal comment les sbires d'opérette, les Jacky (!), que l'organisation sécrète lui met dans les pattes pour l'accompagner dans ses missions, résisteraient à quelques gnons bien sentis s'il leur venait l'idée de défendre leur chef, la diabolique Crea. Pourtant, le jeune garçon à la naïveté intacte obéit à ses commanditaires.

Tel est le prix à payer pour rester en permanence dans un registre mêlant humour et action ; tout ça n'est pas bien sérieux et, en tout cas, oublie de se prendre au sérieux. En parallèle de cette légèreté indiscutable, pour le lectorat auquel la série est destinée, avoir et défendre un idéal, voilà une morale qui n'est pas condamnable. Et cela ne fait pas de mal à l'heure où le super-héroïsme, le soi-disant « vrai », est bien souvent englué dans une vision négative ou parodique sous prétexte d'échapper au manichéisme d'antan lorsqu'il s'adresse à un public d'adultes blasés. Le graphisme de la création de Sekihiko se met au diapason de la tonalité légère du discours avec des protagonistes dans la norme et un déroulement qui ne manque pas de punch.

En conclusion, Ratman n'est pas plus Batman que Zetman, mais c'est bien parce qu'il est moins tordu (et que les héroïnes y sont moins des créatures-objets que dans ce dernier), que vous pourrez les confier à votre fils ou à votre petit frère... avant de lui piquer en douce sans risquer l'ennui. Finalement, il n'y a qu'un seul piège à éviter en ouvrant le tome 1 : éviter de se mettre à fredonner l'hymne à la gloire d'un hamster célèbre à la découverte des aventures « du plus petit des super-héros » !