C
aroline et Marion emménagent dans une maison située au bord d’une falaise parfois battue par le vent les soirs de tempête mais, pour l’heure, le temps est idéal. Pour la première, c’est un retour dans la demeure familiale et une occasion de tourner la page. La seconde, sa fille, se voit offrir l’occasion d’en apprendre un peu plus sur ses racines et surtout une belle opportunité de partir à l’exploration d’un espace aussi inconnu qu’attirant. Les étranges inscriptions gravées sur les monolithes et autres parois aperçus alentours en sont une parfaite illustration…
La mémoire de l’eau est une franche réussite parce qu’il compose une histoire judicieusement équilibrée, destinée à un large public. La progression des évènements est tout aussi bien dosée. L’entrée dans la maison qui marque un retour pour l’une des deux protagonistes, et la matérialisation d’un lien avec l’empreinte d’ascendants qu’elle n’a pas connus pour l’autre, en sont les parfaites illustrations.
Les informations sont révélées au fil de l’eau, et le lecteur comme la petite fille, chacun avec leur niveau de curiosité, en apprennent un peu plus sur la situation de cette maman un peu déboussolée et sur ce qui l’amène ici. D’un côté, le portrait d’une femme au visage de grande adolescente qui se retrouve seule pour élever son enfant, situation devenue ordinaire au point de pouvoir se dispenser des lourdeurs souvent associées aux chroniques sociales. De l’autre, la curiosité d’une fillette qui s’exprime sans fracas. En observateur, le lecteur auquel une question vient à l’esprit : quel enfant n’a pas cherché à savoir quels étaient la nature et les actes de leurs parents et grands-parents avant son arrivée ? De quoi, à tout âge, se trouver une connivence avec les personnages mis en situation par Matthieu Reynès.
Même sens du juste dosage et de l’implication en ce qui concerne le volet « aventure ». Dès l’ouverture, l’immersion dans ce bord de mer balayé par les embruns, dans la bourgade proche et tranquille peuplée d’aînés bienveillants (l’absence de jeunes de son âge ne semble pas perturber Marion), est immédiate et confortable. Chacun se sentira à l’aise dans le décor de vacances proposé par Valérie Vernay. Comme la fillette, qui n’a pas eu envie d’installer son quotidien dans un environnement un peu sauvage et aussi propice aux découvertes ? Au point d’oublier le danger lorsque la curiosité se fait irrésistible et que le mystère appelle une explication ? Il y a dans cette première partie de quoi frissonner pour son plus grand plaisir en s’imaginant, minot, au côté d’une Marion qui, aussi peu familière de l’endroit que nous, en oublie la prudence la plus élémentaire. Comme elle, qui n’est pas resté muet(te) et penaud(e) après une aussi grosse bêtise que celle commise en fin d’album ?
Ce sentiment, parfaitement illustré par l’avant-dernière planche, parce qu’il est ressenti, symbolise l’identification avec les personnages. Il réussit à éclipser le cliffhanger commun, et surtout moins humain, proposé en clôture de cette première partie. La mémoire de l’eau est une jolie histoire, avalée par les plus jeunes (pré-ados) et savourée par leurs parents revigorés par le souffle qui s’en dégage.
L'histoire ne manque pas d'intérêt, mais les petits détails de la vie quotidienne prennent trop de place à mon avis. L'album au complet ressemble à une longue introduction, il n'y a aucun véritable élément déclencheur qui nous fasse penser "wow, là ça devient intéressant!". Si ça avait été un film, cet album constituerait les 15 premières minutes du film. Il reste les 75 minutes restantes... espérons que la deuxième partie sera à la hauteur!
J'ai adoré ce petit album qui mine de rien est une vraie réussite. J'attends déjà avec impatience les développements ultérieurs et la conclusion. Bravo !