B
oule à zéro, c’est le surnom de Zita. Elle séjourne à l’hôpital depuis si longtemps qu’elle en connaît chaque détail (chambres, équipement) et qu’elle a eu le loisir d’affubler chaque pensionnaire d’un pseudo en fonction de ses caractéristiques (maladie, tenue, trait de caractère). Tout le monde, personnel soignant comme personnel soigné comme elle dit, apprécie la petite ado qui fête prochainement ses treize ans. A l’hôpital, évidemment, mais, au moins, il y aura du monde. En attendant, s’ajoutant au mal qui la retient ici, de curieux troubles cardiaques qui lui font perdre connaissance surviennent de plus en plus fréquemment…
Méfions-nous des a priori. Non, ce n'est pas la morale qui conclut premier tome de Boule à zéro (quoique...) mais il est nécessaire d'avoir en tête ce précepte car celui-ci vaut bien mieux que ce que son sous-titre laisse craindre : le terme chômeur associé au thème des enfants souffrant d’une longue maladie, souvent fatale, et il y a de quoi redouter d’attraper le bourdon sur fond de récit sordide et larmoyant sous des dehors pastels. Là où, par exemple, au cinéma, La guerre est déclarée avait abordé le sujet avec une fraîcheur et une inventivité bienvenues, allait-on rechuter dans la sinistrose avec, un comble, une BD signée par les « rigolos » Zidrou (Les Crannibales et Tamara chez Dupuis, L’élève Ducobu au Lombard) et Ernst (les succulents Clins d’œil publiés au Lombard, Les zappeurs chez Dupuis) ?
Bien sûr que non, car, dans son genre, Boule à zéro est une réussite. Paradoxalement, c’est grâce à une lettre adressée à la grande faucheuse que le ton est donné et que l’on est rassuré, amusé et ferré en tant qu’adulte par ce récit avant tout destiné à un public Jeunesse. « Chère Madame la mort… ». Après ces trois pages avec la voix de Zita en off pour s’introduire dans les lieux et faire sa connaissance, la suite coulera toute seule. Ponctuées de sourires réguliers plutôt que de gags pétaradants à chaque bas de page, les planches défilent égrainant les anecdotes, multipliant les rencontres entre patients, jeunes et vieux, visiteurs, infirmières et médecins. L’humour est parfois un rien acide et son emploi finit par convaincre que le rire est un bon exutoire dans le cas de certaines situations désespérées, y compris lorsqu’il n’épargne personne, à commencer par les experts en autodérision. Pour autant, tout n’est pas cruel ou « vache » dans cet album, même si le racisme et les différences sont aussi évoqués. Mais il y est également question d’amour (maternel, filial, et même façon bluette). C’est un peu moins vache et cruel ; quoique, parfois…
Comme le fait Ernst en ouverture, à la fin de la lecture de Boule à zéro, une petite pensée nous vient pour toutes les Zita ; cet album, c'est du patho(logique) sans pathos, en quelque sorte, qu’on peut confier à nos têtes blondes. Qu’on est rassuré de voir avec des cheveux et à portée de bisoux.
Voilà une BD aux dessins simplistes de Ernst (avec détails, personnages reconnaissables, tout ça, mais le trait est simple est lisible).
Une BD avec une histoire particulièrement simple : une fille veut inviter ses amis pour son anniversaire.
Une BD avec un thème qui n’est pourtant pas particulièrement réjouissant de prime abord : cette enfant est atteinte d’une maladie mortelle et vit dans cet hôpital…
Et pourtant, tout en laissant planer au fil de l’opus cette idée de mort et de maladie, sans ôter la gravité de la situation, Zidrou parvient à écrire une petite pépite d’humour et de tendresse !
Il y a une acceptation bienveillante de ces maladies mortelles, une dose d’humour qui n’efface pas le côté noir mais donne au contraire de l’espoir.
Les traits de Ernst se prêtant parfaitement au propos, l’ensemble est vraiment excellent et propose émotion, humour et tendresse.
Somptueux.
Ca commence comme "Oscar et la dame en rose" puisque Zita écrit non pas à Dieu mais à la mort.
L'humour est omniprésent dans cette BD malgré l'ambiance assez pesante puisque tout se passe dans un quelconque service d'oncologie pédiatrique. Mais l'humour n'est jamais déplacé et toujours plein de justesse. Un peu comme dans "intouchable".
Vraiment rafraichissant et si proche de la réalité des enfants malades.
Coup d'essai, coup de maître.
J'ai adoré.
10/10.