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enis tient à Margaret, il craint de la perdre. C'est d'ailleurs ce qui arrive. Elle lui téléphone même pour lui dire que son tour est venu. Il comprend qu'il ne la reverra jamais. Perdue dans la campagne, proche d'un petit village de quelques habitants, Margaret disparaît littéralement. Pour les proches de Denis, ce n'est pas un mystère, tout est de la faute de Léo, cet écrivain qui s'enferme chez lui, refusant de donner des explications sur le mal qu'il cause. Si sa sœur, Alice semble tout ignorer, certains savent : le Léo qu'ils voient n'est que l'avatar de leur créateur, le véritable écrivain qui se meurt et qui oublie peu à peu ses personnages, détruisant leur univers, les entrainant dans sa chute.
Mettre en scène le principe de création et plus précisément le lien étroit qui unit les auteurs et leurs créatures est un postulat de départ intéressant et relativement inédit. Que deviennent les pantins d'un roman lorsque l'artiste quitte la piste ? Le danger dans ce genre de récit, c'est de jongler avec les faits, les différents niveaux de réalité et les explications distillées au fil de l'histoire en ménageant le suspens. Clarke décide de dévoiler une partie de l'intrigue rapidement : après quelques pages, la position de Léo est dévoilée. Mais ça ne s'arrête pas là : les clefs ne sont données qu'au compte-goutte. Le risque, c'est l'ennui, la lassitude et la perte d'attention. Difficile de s'accrocher à un récit plutôt obscur. C'est malheureusement le cas ici, où l'intérêt évident que suscite l'idée de départ n'est pas pleinement exploité, laissant le lecteur sur le côté. Aucun des protagonistes n'est particulièrement attachant, car leur histoire étrange – ils n'ont pas de passé et n'auront pas d'avenir – ne permet pas de les cerner véritablement.
La mise en scène que développe Clarke – le dessinateur de Mélusine – s'écarte de ses productions précédentes, intègre vraisemblablement une influence cinématographique avec des variations de cadrage et de points de vue qui traduisent un certain dynamisme. Pourtant, en changeant son style - qu'il utilise surtout pour les one-shot - et passant d'un trait rond, plutôt humoristique à quelque chose de plus réaliste, les expressions semblent s'être évaporées, laissant des personnages rigides, sans âme.
Nocturnes est un album en demi-teinte. Le talent de l'auteur n'est pas en cause mais l'idée initiale ne donne pas une grande histoire, que ce soit d'un point de vue graphique ou littéraire.
Je suis plutôt étonné par le virage que prend Clarke en réalisant cette histoire intimiste pour la collection Signé chez Lombard. On est franchement loin de l'univers de Mélusine. En cela, c'est plutôt une bonne surprise pour le lecteur qui découvre une facette inédite de son talent. Le thème principal sera un essai sur la création littéraire avec un rôle prédominant pour les personnages.
Les 20 premières pages seront tout de même les plus pénibles car on assiste à différentes scènes sans comprendre car il n'y a pas de fil conducteur. L'auteur aurait dû amener plus vite une explication car il va falloir s'accrocher jusqu'au bout. Puis, l'explication à ces mystères viendra très rapidement au détour d'une case.
Nocturnes est bien un drame intimiste qui se joue autour d'un écrivain en panne d'inspiration car malade d'un cancer. J'ai bien aimé la fin après un début difficile. Celle-ci a fini par rattraper l'ensemble. On aura au final quelque chose d'intéressant et d'original.