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orsqu’il entre au Royal Aubrac, grand sanatorium aussi perdu que réputé, François-Alexandre Peyregrandes est dans le déni. S’il consent être atteint d’une forme de tuberculose, il paraît évident qu’il s’agit de la forme la plus bénigne et que son séjour sera bref. À 21 ans, il n’a aucune envie de flétrir au milieu des mondains crachant et dépérissant présents dans l’établissement. Affable, le jeune homme lie quelques relations amicales avec des pensionnaires épargnés par les stades ultimes de l’affection, ce qui les rend pour un temps encore plus prompts à l’épanchement verbal qu’au rejet de glaires. Et puis, elle est là, celle qui semble aussi fragile que de la porcelaine et qui a fait chavirer son cœur dès qu’il l’aperçut…
Après Pandemonium, ce nouveau diptyque marque une nouvelle incursion de Christophe Bec dans un sanatorium, gigantesque bâtisse perdue au milieu de nulle part et où la grande faucheuse a ses entrées, privant ainsi les malades de bons de sortie. Cependant, contrairement à son essai précédent, l’ambiance n’est pas à l’horreur, genre dans lequel il témoigne régulièrement d’une belle efficacité. L’intrusion, relativement mystérieuse, d’une poule dans la chambre de l’ancien étudiant laisse planer le doute un moment à ce sujet avant de s’estomper pour ne plus sembler qu’un complice clin d’œil.
L’intérêt est bien ailleurs dans ce premier volet. Il se place dans la tête d’un homme qui n’a pas encore assez goûté à la vie pour accepter qu’on lui refuse d’aller plus loin. Royal Aubrac offre une immersion dans ses propres doutes et dans un milieu clos, bien que le grand air soit à portée de poumons altérés. L’information transmise sur les symptômes et les pratiques médicales d’usage en ce début du XXème est fournie, et l’oisiveté subie qui affecte la petite communauté est propice aux confidences et aux exposés. Qu’on se rassure, les dialogues ne sont jamais pédants ni pesants et l’intérêt ne faiblit pas à mesure qu’on suit le parcours de François-Alexandre.
Pour installer ce propos, il était essentiel que l’atmosphère graphique soit aussi réussie que celle conçue par Nicolas Sure, déjà au côté du scénariste pour Wadlow. Le bâtiment, gigantesque, échoué à l’écart de la société – celle qui pétille de mille feux et profite des plaisirs de l’existence -, est glacial et il semble bien y faire aussi froid que dehors lorsque la neige recouvre tout le paysage. Les décors sont d’une sobriété et d’une neutralité qui s’accordent parfaitement à l’ambiance générale, atone, malgré les frasques de quelques trublions faisant figure d’exception dans ce parterre des plus mondains. Les personnages sont aussi raides par nature qu’ils sont bien mis. Ce qui n’empêche pas les romances de naître, voire quelques pulsions d’envahir certains songes.
« Rien ne pouvait alors laisser présager des évènements dramatiques qui allaient arriver ». Telle est la sentence qui s’inscrit dans le sillon d’un homme qui se laisse aller aux joies du ski au cours d’un instant de répit, hors des murs, à l’abri des soins pénibles et des sombres pensées. Indispensable dans certains cas pour réveiller l’intérêt, l’accroche n’était pas forcément nécessaire cette fois. Elle serait même, pour rester dans le vocabulaire médical, légèrement anxiogène. Pourvu que le duo reste dans la trace de ce premier tome tant il est convaincant…
On va suivre la destinée d’un jeune homme de 21 ans, étudiant en beaux-art, souffrant de tuberculose dans la France de 1904. Il accepte de se faire soigner dans un établissement perdu dans les montagnes de l’Aveyron : bienvenue dans le sanatorium de Royal Aubrac ! Bon, il faut dire qu’une odeur de mort rôde dans les couloirs avec ses courants d’air frais qui glacent le sang. Cela ne sera pas une sinécure pour notre héros. A moins que…
Christophe Bec semble s’intéresser à ces hospices d’un genre particulier depuis son fameux Pandemonium où le lecteur avait littéralement basculé dans l’horreur sur fond de vérité historique. Il est clair que la tuberculose est une grave maladie dont peu en réchappent vivants car la façon de vaincre l’infection demeure un mystère pour les médecins. Or, ce récit va se différencier totalement de sa précédente œuvre car c’est plutôt intimiste et même romanesque. L’auteur a réussi à nous surprendre grâce à ce virage loin de l’horreur et du fantastique.
En effet, notre jeune homme va rencontrer l’amour en la présence d’une belle jeune fille, malade également. Il va rencontrer des gens étonnants et ce passage à Royal Aubrac va être pour lui une formidable expérience humaine. On va suivre avec beaucoup d’émotion le combat que mène ce jeune homme contre la maladie. Il faut dire que cet établissement réservé aux classes aisées avait des idées révolutionnaires concernant les traitements dont certains aboutissaient à une rémission de la maladie.
Concernant le dessin, le graphisme est plutôt d’un trait élégant avec de beaux paysages en perspective et une certaine finesse des personnages. Cette oeuvre crédible est réellement passionnante avec pour cadre une ambiance feutrée plutôt froide et blafarde. C’est un récit intense qui apporte une certaine humanité dans un lieu peu enclin à la joie. Une belle leçon de vie en somme ! Royal Aubrac va marquer les esprits.
Le second tome qui clos ce diptyque est marqué par une forte émotion avec la disparition de plusieurs personnages atteint de tuberculose qu’on avait appris à connaître. Il faut dire que notre héros baignait dans un univers pas franchement très joyeux. Pour contrebalancer ce côté sombre et pessimiste, il y aura également des moments de joie et de relâchement comme cette virée nocturne en ville.
En conclusion, c’est une œuvre sur la maladie et sur le fait que l’on doit profiter de chaque instant de vie, se concentrer sur le fait que cela pourrait être le dernier et qu’il faut le vivre pleinement. Bref, une belle leçon de vie. Pourtant, Je n’ai pas l’impression cependant que notre malheureux survivant va en profiter par la suite malgré une reconnaissance artistique tardive. Il y a beaucoup de nostalgie surtout à la fin.
Bec nous a surpris par une bd résolument humaniste loin de ces séries à action retentissante. Il y a un remarquable talent d’écriture qu’il faut reconnaître. Bravo !
Loin des thrillers et autres récits d'action dans lesquels il excelle, Christophe Bec nous propose un récit intimiste dans un sanatorium au début du 20ème siècle.
La narration s'effectue à travers la voix off d'un jeune patient, François-Alexandre. J'allais vous dire qu'il n'y a pas d'histoire mais c'est totalement erroné : il n'y a pas d'intrigue, il n'y a pas d'action ou de rebondissement. Mais malgré cela, je ne me suis pas ennuyer un seul instant. Très vite je me suis attaché au narrateur, à la découverte du traitement de la tuberculose au début du siècle, à la découverte de cette société hors du temps et du monde dans laquelle la mort est un invité permanent. J'ai suivi avec plaisir les pensées intimes de François-Alexandre, l'amitié qui nait avec un autre patient, son amour platonique, ses espoirs, ses doutes alors qu'il a peu vécu et que déjà la maladie et la mort rythment son existence.
Ce monde fermé est propice à l'introspection mais aussi aux dialogues et aux confession. Et sur ce point, ils sont nombreux et la voix-off est omniprésente. Mais ce n'est jamais pesant, Christophe Bec évitant parfaitement cet écueil grâce au soin apporté au texte.
Le dessin de Nicolas Sure se fond parfaitement dans ce récit. Je l'avoue, il ne correspond pas spécialement à un style susceptible de m'attirer de prime abord. Mais, son aspect épuré, froid, doux et fin correspond bien à l'ambiance feutrée de ce monde. Il m'a permis de m'immerger progressivement dans le récit, je m'y suis habitué et j'ai fini par l'apprécier.
Un très beau récit, sensible et émouvant, sur la vie et la mort, les sentiments et les relations humaines.