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uteur à succès de romans, bandes dessinées, films, adaptations – notamment de ses propres œuvres – Jean Teulé s'est attaqué aux mythes des poètes maudits avec les biographies de Rimbaud, Verlaine et François Villon. Pour ce dernier, le roman sorti en 2007 aux éditions Juillard prend des allures d'autobiographie grâce à l'utilisation du « je », dont le titre fait mention. Quatre ans plus tard, Luigi Critone adapte la prose de Teulé, pour un album poignant.
François Villon est connu de nos jours autant pour ses frasques que pour ses poèmes. Il est l'un des seuls trouvères de la fin du Moyen Âge à jouir d'une postérité aussi importante et ce grâce à une vie tumultueuse, commencée, dit-on, le jour de la mort de Jeanne d'Arc. François est un tout jeune garçon lorsque sa mère, accusée de vols, est enterrée vivante. Il est alors recueilli par un chanoine de l'église Saint-Benoit-le-Bethouré dont il prendra le nom de famille, Villon. Arrivé à l'adolescence, il fait ses études à la faculté des Arts de Paris pour devenir clerc. Son existence privilégiée auprès du religieux et son statut d'étudiant lui permettent d'assouvir toutes ses envies, les plaisirs de la chair, du larcin, de la duperie et de la poésie. Avec ses amis, ils mènent la vie dure au lieutenant criminel Jean Bezon et à la morale. Il n'hésite pas à semer le trouble dans la ville, au rythme de ses vers.
Cette version de Je, François Villon est très fidèle à la première : elle en reprend la trame, la construction scénaristique et même les dialogues aux mots près. Pour qui connaît le roman, l'impression d'une simple illustration domine à première vue. Mais il faut entrer plus dans l'album et se laisser porter par le dessin de Luigi Critone pour comprendre ce que l'italien apporte à Jean Teulé. Là où l'écrivain se plait dans la noirceur, la crasse et le macabre, la touche de Critone et sa palette de couleurs amènent une légèreté et une finesse dans ce monde de brutes. Sa maîtrise des décors, parfois juste évoqués, la technique de « mise au point », rendant l'arrière-plan plus flou que le premier, créent une réelle atmosphère des rues de Paris, tantôt orageuse, tantôt apaisée. De ce fait, la fraicheur de la ligne claire contraste presque avec l'imaginaire de Teulé et donne un vrai plus à l'album.
En dehors de ces quelques différences, il peut être fait à ce Je, François Villon les mêmes reproches qu'à la première version, à savoir l'imbrication de la subjectivité et de l'objectivité dans la narration des faits historiques concernant le poète. Certes, la vie de François Villon est parsemée de trous et Teulé, par le biais du roman, s'autorise à combler les pièces du puzzle grâce à sa verve lugubre. Loin de faire une hagiographie, il se consacre surtout à faire endosser à Villon un plus mauvais rôle encore qu'il n'est possible de l'affirmer aux vues de sa biographie. La seule promotion que Teulé fait de son héros-poète est la mise en avant de quelques vers, presque oubliés dans la version dessinée. L'album porte aussi le même titre que le roman, qui avait l'originalité de voir Teulé endosser le « rôle » de Villon, alors que le mécanisme n'est plus utilisé ici, sans doute trop lourd.
Mais où sont les neiges d'antan ?, premier tome d'une série prometteuse qui emprunte son titre à un poème de François Villon. L'apport de Luigi Critone est indéniable et rend la lecture agréable et légère malgré des scènes difficiles. L'adaptation est très fidèle au livre de Jean Teulé, livrant alors une copie conforme de l’œuvre romanesque.
Le travail éditorial n'a rien de particulier (on est chez Delcourt). Les albums sont en grand format, très aéré, les couvertures de Luigi Critone sont très belles et homogènes (j'aime bien quand les couvertures d'une séries suivent une ligne). Les chapitres au sein de chaque album reprennent quelques vers des poèmes de Villon.
François Villon naît le jour du bûcher de Jeanne d'Arc, à Paris, d'une pauvre mère qui ne survivra pas longtemps à une Justice expéditive pour les gueux. Pris sous l'aile d'un clerc qui lui procurera formation universitaire et situation, Villon, jeune étudiant rebelle écrira des poèmes relatant sa vie et celle de ses congénères et qui entreront dans la postérité.
Lorsque Jean Teulé publia son ouvrage sur l'illustre écrivain médiéval puis Critone son adaptation en BD j'ai eu l’œil attiré par ces superbes couvertures et par le fait que j'ai étudié Villon pendant mes études. L'idée d'une illustration de sa vie dissolue en BD m'a tenté et j'ai heureusement trouvé la trilogie en bibliothèque. Et je dois dire que c'est une très belle adaptation que propose un dessinateur que je ne connaissais pas et dont le trait et les couleurs marquent la rétine et donnent envie de voir ce qu'il proposera ensuite. Alternant les dessins classiques mais très fins et lavis, il maîtrise parfaitement différentes techniques et propose de vastes pages très lisibles et belles à regarder. Ses arrière-plans sont soit en peinture directe soit en encrages très détaillés et donnent une vie à ce Paris médiéval que l'on ne se lasse pas de redécouvrir. Malgré un trait plus classique et moins sombre que celui de Ronan Toulhoat, j'ai trouvé pas mal de ressemblance avec la série le Roy des ribauds, dans la peinture de la vie des bas-fonds, la justice expéditive aux mains des puissants et la façon qu'ont les pauvres de jouer du système de classes pour parvenir à leurs fins. C'est une existence dure et violente où la vie n'a que peu de valeur, qui nous est contée.
Ce premier volume est très enthousiasmant. Pour une adaptation littéraro-historique (pas franchement grand public en général), le travail de Luigi Critone remplit parfaitement la double tâche de proposer un ouvrage accessible, attrayant et beau. Le cadre du Moyen âge et de ses petites gens a déjà maintes fois été adapté. Pour ma part la version de Notre-Dame de Paris de Recht (qui sort en fin d'année un Conan qui s'annonce énorme) et le Roy des Ribauds donc m'ont beaucoup plu. On a ici en plus l'idée (fausse mais tenace) que la vie de Villon est plus historique que des ouvrages de pure fiction. On s'attache très vite à ce pauvre gamin jeté très tôt dans le malheur de la vie médiévale d'où son choix de se vouer corps et âmes à ses passions et de croquer ce que la vie peut lui apporter. Ce tome nous relate donc l'apprentissage, de l'amour, de l'espièglerie, du courage et enfin cette tentation d'entrer dans une confrérie criminelle dirigée par un personnage que Toulhoat reprendra visiblement dans sa trilogie.
Ce qui ressort (outre les dessins superbes donc) c'est la violence de cette société marquée par une justice qui décide très vite d'une main coupée ou d'un ensevelissement vif! Cette chronique de la vie d'en bas m'a fait penser par une certaine compassion dénonciatrice au Manga Innocent de Shin'ichi Sakamoto, qui dépeint crûment ces tortures et exécutions baroques et atroces que l'on a du mal à imaginer comme habituelles. Un très bel ouvrage qui nous fait voyager dans le temps et donne envie d'en savoir plus sur l'un des auteurs majeurs de la littérature française.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/08/22/je-francois-villon
quelle découverte,!Un premier album excellent! dessins de Critone très expressifs!
Villon ,étudiant révolté, et libertaire,en lutte contre l'obscurantisme.
bravo!!
Un album en forme de bouffée d'oxygène. La vie de François Villon se découpe en petites scénettes qui sont autant de vision +/- réussies de la vie moyennageuse.
Le tout agrémenté de vers de notre poète (en vieux français bien sur!!).
Seuls les dessins ne sont pas à la hauteur. Dommage!
Partant néanmoins pour le tome 2.
5/10.