I
nterdite aux hommes, la résidence Amamizu abrite des colocataires un peu spéciales : six véritables otaku ne vivant que par et pour leur passion. Parmi elles, Tsukimi est une inconditionnelle des méduses. Un soir, en allant en voir une dans la vitrine d’un magasin pour animaux, elle rencontre une splendide jeune femme qui l’accompagne sur le chemin du retour et s’impose même dans sa chambre. Le lendemain matin, Tsukimi découvre avec horreur que l’inconnue de la veille est en fait un garçon qui adore se travestir. D’abord paniquée, elle s’aperçoit vite que Kuronosuke est plus sensible et fragile qu’il n’y paraît sous ses airs assurés et mutins.
Une des forces du manga est d’évoquer sans cesse des phénomènes qui font partie intégrante de la société japonaise actuelle, soit en les propulsant sur le devant de la scène, soit en les distillant par petites touches dans les récits à travers les particularités des personnages secondaires. Ici, les otaku sont visés, ainsi que leur mode de vie exclusivement orienté vers leur passion et qui, en fait, les coupe de tout ce qui n’a pas trait à leur centre d’intérêt et, par extension, du monde qui les entoure. Ce n’est pas la première fois que des mangaka les choisissent comme héros, mais, dans Princess jellyfish, Akiko Higashimura ne s’arrête pas à présenter une seule figure de fan inconditionnel, mais tout un groupe de filles complètement obnubilées par leur sujet d’entichement respectif, au point d’être incapables d’affronter l’extérieur.
Le postulat est simple : ajouter un élément perturbateur, à plus d’un égard, au milieu de cette bande de colocataires no life renfermées sur leur petit univers et les règles strictes de leur pension, et voir ce qui se passe. Cela fonctionne parfaitement. Les situations cocasses s’enchainent en effet sans discontinuer et ne manquent pas de faire sourire en raison du décalage inhérent entre le quotidien des pensionnaires d’Amamizu, les coups de folie (douce) qu’impliquent leurs passions et leurs caractères et la fantaisie qu’apporte Kuronosuke, qu’il soit travesti ou non. Par ailleurs, si certains protagonistes sont plus développés que d’autres, tous se révèlent attachants, tandis que l’auteur initie déjà en eux une légère évolution. La proximité des personnages est amplifiée par une narration passant par la voix(-off) de Tsukimi qui rapporte les événements à sa mère, faisant référence à ce qu’elle est, à l’image qu’elle a d’elle-même – non sans une certaine auto-dérision – et à la façon dont elle réagit aux changements qui surviennent dans sa routine. Le ton léger de l’album se traduit graphiquement par un trait plein de fraicheur et expressif qui s’amuse à caricaturer gentiment les otaku, ainsi que par un découpage clair qui assure une bonne lisibilité.
Empli d’une joyeuse énergie, ce premier tome de Princess jellyfish constitue une lecture distrayante et agréable qui plaira sans aucun doute au public visé.
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