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oger est un des nombreux soldats français fait prisonnier lors de la débâcle de 1940. Juste avant de partir sur le front, sa fiancée, Suzanne, lui remet un carnet et un crayon, afin qu'il puisse lui écrire. Soixante ans plus tard, son petit-fils, Florent Silloray, le carnet en main, part sur les traces de son aïeul. Ce périple le mènera jusqu'en Prusse orientale.
À la fois témoignage historique et quête familiale, Le carnet de Roger raconte, en alternance, la trajectoire de Roger, prisonnier ballotté au gré des besoins des vainqueurs et l'enquête minutieuse de Florent Sillory pour retrouver des témoins et, surtout, les lieux de cette « aventure ». Le résultat est des plus admirables. À l'instar de Grégory Mardon dans Vagues à l'âme, le lien familial très fort de l'auteur envers son sujet sublime un récit déjà, en lui-même, passionnant. Grâce à cet inestimable document qu'est ce cahier dans lequel Roger nota, en détail, son odyssée, Sillory réussit à reconstituer d'une façon des plus convaincantes les affres endurées par ces combattants du passé. Loin des états-majors et des grandes batailles, c'est la vie au quotidien, faite de petites joies (un colis, un garde compréhensif, un peu rab' à midi) et de grandes souffrances (la mort toujours présente, l'éloignement des proches) qui est narrée avec force détails et tendresse. Cette volonté, très proche du travail d'Emmanuel Guibert dans La guerre d'Alan, de rester concentré sur l'individu rend ces péripéties des plus touchantes.
La première impression qui vient à l'esprit à la lecture de ces planches est la proximité de style avec Jacques Ferrandez. Néanmoins, très rapidement, le dessinateur démontre une approche personnelle très posée. Le choix de laisser la parole à Roger pour les passages historiques se révèle très judicieux et permet d'entrevoir l'énorme travail de recherche (dans des archives ainsi que sur le terrain) et d'imagination qui a été nécessaire à l'auteur pour redonner vie au témoignage de son ancêtre. La mise en scène, sobre, mettant toujours en avant les protagonistes, est extrêmement lisible. Les couleurs, évidemment dans les tons sépia pour les années 40, sont agréables malgré quelques hésitations ici et là. Le grand format du livre, initiative remarquable bien qu'osée des éditions Sarbacane, confère une véritable identité à ce premier album.
Amateur d'Histoire et passionné de la Deuxième Guerre Mondiale précipitez-vous sur Le Carnet de Roger ! À lire.
Voilà un très bel album découvert en 2012 dont je tenais à parler.
On suit ici donc 2 parcours en parallèle : La guerre vue par les yeux de Roger et son carnet, la quête de Florent son petit-fils 63 ans plus tard sur les lieux de passage de son grand-père.
J’ai lu plusieurs fois cet album et je ressens toujours autant d‘émotions. Il y a bien sûr l’aspect historique et témoignage qui est très intéressant mais il y a aussi et surtout ce lien que Florent Silloray tente de renouer avec son grand-père en suivant ses traces.
Ce double intérêt est très bien exploité graphiquement. Les planches qui suivent Roger sont superbes, dans les tons Terre et gris… alors que les planches qui suivent Florent sont plus classiques en couleurs.
J’avoue ne pas avoir trop suivi le parcours de Florent Silloray et je le regrette. Mais je reste marqué par cet album beau, tendre et riche !