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algré une couverture qui semble tout droit sortie des années 80, C'est comment qu'on freine ? narre le quotidien très actuel d'un jeune couple, Cyril et Natacha. Ils se connaissent tout juste, n'habitent pas encore ensemble et pour Cyril, la légèreté de sa vie nocturne dans les lieux branchés n'est pas encore derrière lui. Ils ont beau aller vite, la vie les rattrape toujours. D'abord, il y a un test de grossesse, positif, qui les entraînent à se poser LA question : est-ce qu'on le garde ? Et puis un coup de téléphone de la mère de Cyril, annonçant l'attaque cardiaque de son père et les doutes : est-ce qu'on le perd ? Les questions se bousculent mais n'ont pas le temps de trouver de réponses qu'une autre situation s'en mêle. Alors vient l'ultime interrogation de l'album : C'est comment qu'on freine ?
Prévu en deux tomes, C'est comment qu'on freine ? fait partie d'une suite nommée l'Extravagante comédie du quotidien, dont Les poils était le premier opus. L'idée de Grégory Mardon est d'explorer le quotidien assez ordinaire de jeunes gens en faisant basculer leur routine dans une suite d'événements non moins ordinaires mais qui les chahutent et les bouleversent. Avec un trait fin et souple, il donne vie à des personnages qui semblent dépourvus d'ossature, flexibles, se déplaçant tel des anguilles pour éviter les obstacles. Il n'y a pas de volonté moralisatrice dans son récit, ni de jugement de valeur, juste l'envie de raconter des histoires. Et cela fonctionne assez bien. Le dynamisme insufflé permet d'avaler rapidement les 62 pages et de laisser une envie d'y revenir.
Grégory Mardon fait preuve d'un sens narratif propice à capter l'attention des lecteurs sur des vies somme toute ordinaires, ce qui relève de la gageure. C'est comment qu'on freine ? n'a pas la capacité de Durieux et Gibrat pour envelopper le lecteur de douceur et le faire passer un bon moment avec des situations tristes comme dans Les gens honnêtes, mais il n'en reste pas moins un album simplement réussi.
Grégory Mardon n'est pas un auteur très connu. Pour autant, j'aime beaucoup ce qu'il fait car il vît avec son temps (voir Petite frappe ou Madame désire ? par exemple). Son récit dynamique sonne résolument moderne malgré une couverture toute droite sortie des années 80. Il y a de la grâce dans l'ensemble de ces personnages ordinaires qu'ils soient masculins ou féminins. Bref, il sait capter l'attention.
Cela commence de manière assez superficiel dans un Paris où de jeunes bobos insouciants s'adonnent à la fête. Cela se termine dans un petit drame familial à la campagne. On se rend compte de l'épaisseur des personnages à mesure que le récit avance. Et on peut dire, que cela file à toute allure d'où le titre. Excellent !