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uin 1933, sud des États-Unis. John Lomax, pionnier de l'ethno-musique américaine, et son jeune fils, Alan, sont en mission pour enregistrer et cataloguer les chants traditionnels de la communauté noire. S’intéresser au blues au pays de la ségrégation, même mandaté par la prestigieuse bibliothèque du Congrès de Washington, va s'avérer toute une aventure.
Après Le rêve de Meteor Slim (le guitariste apparaît d'ailleurs dans ce nouvel album sous la forme d'un sympathique clin d’œil) et Les jumeaux de Conoco Station, Frantz Duchazeau se penche à nouveau sur le monde de la musique américaine dans Lomax, collecteurs de folk songs. Au-delà du cadre historique, largement présent mais, en fin de compte, presque secondaire, l'auteur se concentre plus particulièrement sur la nature même du travail des deux héros. En ouverture du tome, John Lomax, contemplant une photographie de sa défunte femme, se rend compte qu'il n'a jamais pensé à enregistrer cette voix chérie, alors qu'il a passé sa vie à engranger les sons de son pays. Ce triste paradoxe sur la transmission des souvenirs n'empêche pas le père et le fils d'arpenter et d'affronter cette région hostile aux changements, dans leur quête musicale.
Duchazeau déroule un récit finement ciselé, mais quelque peu répétitif par moments. Le duo affronte, passage obligé, une autorité blanche adverse, doit mettre en confiance des travailleurs noirs suspicieux de par les mauvais traitements qu'ils endurent quotidiennement et, enfin, s'évertue à faire fonctionner correctement l'enregistreur, véritable machine infernale bien loin des lecteurs mp3 d'aujourd'hui. Au fil des pages, le dessinateur des Cinq Conteurs de Bagdad dépeint avec brio et tendresse ces bluesmen, pionniers sans le savoir d'une bonne majorité de la musique populaire à venir.
Graphiquement, le dessinateur s'amuse à jouer sur les registres pour illustrer son propos. Il démontre, par son grand talent, que le noir et blanc, quand il est maîtrisé, se suffit à lui-même. Les deux protagonistes principaux, par exemple, sont très peu détaillés, vides comme des éponges prêts à se gorger de nouvelles expériences. À l'inverse, les chanteurs et certains autres personnages secondaires sont décrits d'une manière très travaillée, “densifiés” par leurs vécus respectifs. Ces variations de style, également utilisées pour certains décors, rendent la lecture des plus plaisantes.
À mi-chemin entre récit historique et une fiction flirtant avec la psychologie, les déambulations sonores des Lomax sont tout à fait recommandables.
Après le magnifique "Rêve de Meteor Slim", Frantz Duchazeau poursuit son exploration des racines de la musique populaire américaine en dessinant le périple des Lomax, père et fils, authentiques collecteurs de Blues et Folk Songs qui, dans les années 30, sillonnèrent les routes à la recherche de chanteurs Noirs à enregistrer.
Il ne prend pas le parti de la biographie mais plutôt celui de l’histoire en abordant de front le racisme dans le Sud ségrégationniste des États-Unis. Une vision aussi humaniste qu’artistique qui donne un beau livre, simple, sincère et touchant, qu’on soit passionné ou non de musique.
Une BD à conseiller d'abord aux amateurs de musique, en particulier le blues. Ici on suit l'aventure d'un père et d'un fils passionnés par les musiques traditionnelles de l'Amérique, qui cherchent à enregistrer la musique de leur "terroir" pour ne pas qu'elle soit oubliée. Rien à voir avec les producteurs avides d'argent d'aujourd'hui qui misent sur la médiocrité au nom du billet vert. Non, on a là deux aventuriers de la musique, qui partent à la recherche de la qualité, de l'authenticité, de l'exceptionnel. Ils y rencontrent des bluesmen qui deviendront des légendes tels que Son House ou encore Guitar Slim. Tout cela est bien sûr une histoire vraie. Ce n'est pas un scénario particulièrement rebondissant mais juste une belle épopée humaniste, qui rend hommage à John et Alan Lomax, deux blancs qui ont rendu un immense service à la musique noire. Les dessins sont en noir & blanc et retransmettent bien cette atmosphère vintage et poussiéreuse de l'époque. A voir avant tout comme un bel hommage, même si c'est également un portrait de l'Amérique de l'époque, avec son Sud scandaleusement raciste.