L
e connaisseur peut se réjouir, enfin un livre d’entretiens avec Fred ! Cette immense auteur au talent unique, reconnu autant par ses pairs - Hergé et André Franquin ne tarissaient pas d’éloge à son sujet, René Goscinny, qui l’avait engagé à Pilote, était ébahi, quant au pauvre Yvan Delporte, qui l’avait refusé pour le Journal de Spirou, il n’eut que ses larmes pour se consoler – que par le monde « officiels » des arts - il est officier des Arts et des Lettres et a reçu tous les prix imaginables de la profession. Même s’il a été plus discret ces dernières années, son aura reste bien présente chez les bédéphiles avertis. Il est certain que la publication de ce livre, en association avec la sortie de l’intégrale des aventures alphabético-maritime de son héros fétiche, Philémon, permettra à une nouvelle génération de lecteurs chanceux de plonger, sans retenue, dans ce merveilleux univers dessiné.
Dans Fred l’histoire d’un conteur éclectique, Marie-Ange Guillaume a choisi de se muer en Philémon pour interroger l’auteur du Petit Cirque. Cette astuce, si elle permet quelques rares moments de tendresse entre créateur et créature, n’apporte, en fin de compte, rien de très pertinents à ces échanges. Les différentes périodes de la vie et la carrière de Fred sont passées en revue chronologiquement. De ses débuts, façon bohème, où il tentait, sans trop de succès, de placer des gags dans les grands journaux du moment aux années de Pilote, en passant par l’aventure de Hara-Kiri, en cinquante ans de carrière, le cheminement de Fred est riche. De plus, on ne collabore pas avec des personnages comme Jacques Dutronc ou le Professeur Choron sans être le témoin et l’acteur de nombreuses anecdotes savoureuses.
Le livre offre un très bon panorama général l’œuvre de Fred. En revanche, le côté analytique est des plus pauvres. Ce manque est, en partie, dû au dessinateur moustachu qui rechigne, à plusieurs reprises, à vraiment entrer dans ses coulisses créatrices. En bon poète qui se respecte, il redoute, peut-être, d’effrayer la muse par trop d’explications. Par contre, Marie-Ange Guillaume ne cherche pas vraiment à mettre en perspective son sujet. Il y aurait pourtant eu matière à faire le parallèle, par exemple, entre la création de Hara-Kiri avec trente ans plus tard, la démarche éditoriale très similaire des fondateurs de l’Association. L’absence d’une bibliographique détaillée est également des plus regrettables.
Malgré un résultat final un peu décevant pour l’amateur, ces entretiens ont le mérite de remettre sur le devant de la scène BD un de ses plus grands auteurs. Bédéphiles : lisez Fred !
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