We are the night, suite et fin. Amateurs de polars, réjouissez-vous, Antoine Ozanam a sorti de son chapeau un récit noir comme vous les aimez, aux mille personnages tous plus truculents et étonnants les uns que les autres.
Résumer l’intrigue, dans un tel cas, relève de la gageure. Les héros sont nombreux et leurs motivations diverses ; leurs routes se croisent dans un semblant de confusion orchestré de main de maître par le scénariste, qui en use comme de marionnettes. À peine s’est-on attardé sur l’un que l’on passe à l’autre, avant qu’un troisième ne lui vole la vedette. Rien de frustrant, toutefois, juste le plaisir de partir à l’aveuglette, comme si chaque coin de rue, chaque porte dérobée, cachait un nouveau mystère à découvrir. Pour autant, l’auteur ne se disperse pas, et chaque protagoniste bénéficie d’une personnalité fouillée, d’un caractère taillé au couteau. Qui plus est, les enchaînements sont parfaits, d’une fluidité exemplaire. La sensation de brouillon que l’on peut ressentir à la lecture des premières pages s’estompe bien vite pour laisser place à une autre, plus durable, de maîtrise et de savoir-faire.
Des personnages intéressants, c’est entendu. Des destins parfois contrariés qui s’entremêlent, oui, pas de doute là-dessus. Mais pour faire un bon polar, il faut plus que cela, il faut une ambiance, sombre et qui prend aux tripes, qui donne la gueule de l’emploi aux salauds de l’histoire et fait douter jusqu’à la fin d’une issue plus ou moins heureuse. Kieran était sans doute un très bon choix pour illustrer un diptyque qui porte très bien son titre. Entre couleurs éclatantes, à la limite du psychédélique, et autres teintes qui tendent vers le noir profond, le dessinateur compose une atmosphère unique qui fait corps avec le récit. Il instaure d’emblée un sentiment d’oppression qu’un texte d’une exquise précision ne dément pas un instant.
Ensemble, Kieran et Ozanam ont trouvé une osmose, une façon de travailler la matière qui leur appartient, au-delà de certaines références qui, peut-être, viendront à l’esprit des lecteurs. Ils imposent une marque, une signature. Et ce n’est pas si fréquent.
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