L
e Groenland : sa nuit polaire, sa neige et ses rudes trappeurs. Hervé Tanquerelle au feutre et au pinceau, Gwen de Bonneval au scénario remettent le couvert pour un second tome d’adaptation des nouvelles de Jørn Riel. Coupés du monde, dans un décor qui n’est pas sans rappeler La ruée vers l’or de Chaplin, tant pour le climat hostile que pour l’intérieur coquet des cahutes, ils vivent seuls ou à deux.
Ouverture sur un gros « BROF ! » : Jalle s’effondre dans la neige. Il est mort. Ce n’est pas du goût de Lodvig, celui avec qui il partageait le refuge de Ross Bay. Comme un fait exprès, l’intéressé était de corvée de bouffe pour le mois à venir... cela sans parler des problèmes posés par les funérailles. Bref, il est bien emmerdé, le sieur Lodvig. S’en suit un improbable enchaînement de choix qui mènent crescendo, dans un délire savamment orchestré case après case, tout droit vers une joyeuse et furieuse folie collective. L’alcool sublimant l’effet de groupe, l’absurde a établi ses quartiers dans le grand Nord ! Les quatre histoires narrées dans cet album n’ont pas nécessairement le même ton. Si les deux premières sont légères, les deux autres le sont moins. Pour autant, l’atmosphère surréaliste demeure, naturellement instituée par le contexte en huis clos qui n’est pas sans impact sur la santé mentale des glorieux protagonistes. Le rire se mêle alors à d’autres considérations sur la condition humaine. Cette variation des ambiances peut déconcerter, ou, au contraire, être vécue comme une ouverture bienvenue.
Le plaisir de lecture doit beaucoup à la collaboration particulièrement accomplie entre les deux compères autour de cette adaptation. Gwen de Bonneval amène son talent de narrateur pour reprendre le texte initial et l’adapter au support «bande dessinée ». Hervé Tanquerelle, virtuose dans un style qui lui est propre (La communauté), illustre avec maestria l’univers tout aussi rustique que bonhomme de Jørn Riel. Grâce à un trait d’une grande finesse, tout en courbes et qui fourmille de détails, il donne une véritable « gueule » à ces hommes bourrus et édentés qui sont le cœur du récit, ainsi qu’une dimension forte à leur environnement. Le tout est rehaussé au lavis, technique remarquablement maîtrisée par le dessinateur.
Le roi Oscar et autres racontars est à déguster avec le Winterreise de Schubert en musique de fond.
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