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xilé depuis dix ans, un homme masqué en lapin noir retourne sur son île natale afin d’y superviser la démolition d’une église et d’en faire une salle de bal pour accueillir les festivités du Carnaval. Chaque rue, chaque visage, chaque rencontre ramènent à sa mémoire des souvenirs enfouis, mais personne ne semble le reconnaître, lui. Pourtant, son passé et les raisons de sa présence font bientôt l’objet des attentions policières lorsque le prêtre de la chapelle vouée à disparaître est retrouvé pendu. Le spectre de la révolution qui avait ensanglanté Estrama une décennie plus tôt refait alors surface…
Derrière un titre assez long et aux accents étranges, le premier tome de Carnaval (quatre sont prévus) pose les éléments d’un récit chargé de mystère. Akalikoushin y mêle inextricablement fantastique et réalité intemporelle, à la manière des grands écrivains latino-américains et antillais (Gabriel Garcia Márquez, Luis Borges, Aimé Césaire). Les personnages et les lieux semblent être d’un autre temps, aspect que l’approche du Carnaval tend à renforcer, tandis que le contexte évoque le règne d’un régime autoritaire dont le lecteur comprend peu à peu qu’il est né, violemment, des failles d’un gouvernement colonialiste. Entre retours en arrière et constats d’un héros en quête de son propre pardon, la narration, portée par la voix-off de l’exilé, peut quelquefois dérouter, mais s’avère également poétique et prenante, car l’envie de voir s’éclairer les nombreuses pistes ébauchées par l’auteur se fait sentir à tout instant. Par ailleurs, les relations entre certains protagonistes se dessinent progressivement et subtilement jusqu’à une chute qui attise encore la curiosité. Enfin, l’histoire est portée par un dessin en couleurs directes dont les nuances sombres, oscillant entre les noirs, gris et blancs, accentue l’ambiance singulière et énigmatique de l’ensemble. Si le trait s’avère un peu brouillon sur les arrière-plans, le recours à l’aquarelle permet souvent de rehausser certains détails ou de fondre les figures dans les décors pour un rendu onirique, irréel.
Intrigant à plus d'un titre, ce premier volet de Carnaval suscite l'intérêt et on s'y attarde avec plaisir.
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