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arqué à sa naissance par le dieu Ewïlnir comme « traitre à son peuple », Oth aurait dû mourir selon la loi naine. Il a pourtant survécu grâce au courage de son père qui l’a élevé, seul, au cœur de la forêt, en lui transmettant son savoir de forgeron. À la mort de son géniteur, le jeune nain rencontre Albin de Morteflaque, un batracien loquace, qui lui révèle que sa tache maudite le désigne en fait comme l’héritier légitime de la Landée. Suivant son nouvel ami, Oth part en quête de son trône et d’alliés. Mais son chemin est semé d’embûches. Les soldats du roi Traurig ayant retrouvé sa trace le traquent sans relâche, tandis que les Sylves, ennemies jurées des nains, surveillent de près ce jeune prétendant et songent à l'utiliser…
Depuis la saga de J.R.R. Tolkien, la fantasy rime bien souvent avec un panel, rarement renouvelé, d’éléments-socles : quête, hommes, mages, elfes, nains, créatures fabuleuses, puissances maléfiques. Si bien que le lecteur s’attend inévitablement à les retrouver, selon un ordre et avec une importance variables, dans les histoires de ce genre, et qu’il connaît (trop) bien le duo formé par les descendants de Gimli et ceux de Legolas, les premiers jouant généralement les faire-valoir bourrus et les seconds les sages s’approchant tant de la perfection qu’ils pourraient s’y fondre. En somme, dès qu’un être aux oreilles pointues apparaît, son compagnon hôte du royaume sous la montagne n’est vraisemblablement pas bien loin.
En dépit du titre qui met pourtant immédiatement au diapason, la tentation est grande de se dire, en ouvrant le premier tome de Dwarf, qu’il s’agit là d’une énième variation sur le même thème d’une quête dans un univers fantastique. À tort ! Car Shovel (Six runkels en Amborie) invite derechef à une escapade inhabituelle, d’une part en choisissant l’enfant pauvre du genre, le nain, d’autre part en lançant tout de suite son récit après avoir posé les révélations qui, bien souvent, n’arrivent que plus tardivement. En optant pour un successeur d’Albérich, l’auteur s’inscrit déjà dans l’originalité et poursuit sur sa lancée tout au long de ce premier volet. En effet, bien qu’il puise dans les ingrédients incontournables de l’Héroic Fantasy, il les adapte à sa sauce et y ajoute une plus-value de son cru.
Wyrïmir ne se contente pas de présenter les différents acteurs rencontrés au cours des premières pérégrinations du héros, mais pose déjà les fondements d’une histoire riche et touffue, dans laquelle s’imbriquent plusieurs intrigues. L’allusion à un réseau de résistance appelé la Hache Blanche, l’implication d’animaux doués de parole, l’inimitié entre sylves et nains suite à une rapine de Traurig, les difficultés de la dirigeante sylve à asseoir son autorité sur les siens, constituent autant de points d’intérêt qui attisent la curiosité. Doté d’une narration bien rythmée, ce premier opus ménage également quelques beaux combats et quelques confrontations de haut vol, qui font pendant aux scènes moins actives, quoique tout aussi intenses et intrigantes.
Enfin, derrière la belle couverture de Civiello se dévoile un dessin qui, de prime abord, peut ne pas enthousiasmer. Cependant, il s’avère très vite que le crayon de Shovel s’accorde bien à l’histoire et lui confère un style propre et plutôt plaisant. Plus encore, il ne manque pas d’étonner lorsqu’il s’agit de représenter les sylves, qu’un certain imaginaire traditionnel aurait voulues peut-être plus déliées ou plus élégantes, mais qui, ici, possèdent quelque chose de rude et d’éminemment sauvage. Par ailleurs, les planches s’avèrent fouillées, détaillées, et le découpage est dynamique, ce qui fait oublier une légère raideur des personnages, en particulier des guerrières de la Bélouve. Une rigidité peut-être accentuée par la mise en couleurs informatique de Dimitri Fogolin (Alim le tanneur), qui, au demeurant, parvient à créer de belles ambiances collant parfaitement aux différents moments de l’histoire.
Wyrïmir offre une agréable et divertissante plongée dans le monde des nains. Une introduction réussie et alléchante pour la suite de cette série.
== Avis pour les 4 tomes ==
Ahhh! Nous étions si près du but!
L'univers créé par Shovel est riche, riche, riche! J'ai adoré découvrir cette lande avec ses nains, sylves, orcs, et autres animaux sauvages. Les personnages sont nombreux et jouent tous leur rôle. Le scénario est rudement bien écrit et le français, impeccable! J'ai adoré ce français soutenu qu'emploient les personnages. Les dialogues sont intelligents, l'intrigue est futée. Lire un album prend du temps! Mais tout ce texte ne s'évapore pas en logorrhées inutiles -- chaque chose a sa place, chaque mystère finit par s'éclaircir le temps venu (ou presque). Alliances, traîtrises, jeux de pouvoir... le tout s'emboîte comme des poupées gigognes. Même l'humour est souvent très réussi, malgré certaines scènes qui se répètent un peu trop pour moi, comme l’obsession de Siliane, par exemple.
Les dessins sont très beaux, surtout les paysages, les décors -- le trait est fin, raffiné. Les couleurs sont agréables. J'aime la petitesse des dessins. C'est trop rare de nos jours. Seuls les visages pourront en rebuter certains... ils changent parfois radicalement de proportion selon les cases ou les albums.
Alors, quel est le problème? Eh bien, le problème, c'est le tome 4. J'aurais tant aimé que cette série fasse 8 tomes au lieu de 4. Hélas... Je ne sais pas pourquoi la série s'est achevée en 4 tomes, puisqu'elle était censée faire 5 tomes à l'origine. Peut-être ne se vendait-elle pas assez? Quoi qu'il en soit, malgré les 64 pages du dernier tome (au lieu de 48 pour les trois autres), on sent que Shovel n'a pas eu le loisir d'y consacrer tout son temps.
D'abord, les dessins prennent un méchant coup. Le trait devient beaucoup plus grossier, les décors sont plus brouillons. Ensuite, certains événements s'enchaînent trop rapidement. La révolte de Cénac, par exemple. Ou encore Guénïel, dont l'histoire ne connaît pas de véritable conclusion. Le Nedrak est sous-utilisé. Je n'ai pas trop compris le rôle de la dame aux corbeaux. Tout est catapulté d'une manière qui ne sied pas à l’œuvre qu'avait créée Shovel jusque-là. Et malgré tout, le tome 4 est très loin d'être mauvais. Shovel réussit quand même à conclure la série de manière satisfaisante, d'une manière qui pourrait faire rougir beaucoup d'auteurs de fantaisie. Seulement -- il n'est pas tout à fait à la hauteur des trois premiers tomes. Sinon, je trouve que le titre est d'un commun sans nom (Dwarf??? -- oui, oui, je comprends le jeu de mots avec "Shovel Dwarf"), et que les couvertures auraient mieux fait de représenter le dessin que l'on retrouve à l'intérieur des albums. Ça aurait peut-être aidé pour les ventes, parce que personnellement je n'aime pas du tout les couvertures.
Je suis tellement déçu, parce que nous sommes passés si près, si si près d'avoir ici un chef-d’œuvre du genre. Mais je suis aussi heureux parce qu'il y avait longtemps que je n'avais lu un scénario aussi bien ficelé et aussi bien écrit se déroulant dans un univers empli de fantaisie et de merveilleux m'ayant autant enchanté!
Chapeau bien bas, M. Shovel.
De la fantasy pure dans la tradition du combat des nains contre les elfes dans un monde cartographié imaginaire. L'originalité vient sans doute du fait que les animaux conversent comme si de rien n'était.
Malheureusement, la trame demeure classique: un élu marqué par l'infamie doit accomplir son destin pour devenir roi et rétablir l'ordre. C'est dommage car les dialogues sont de hautes volées. On ne s'ennuie pas et on passe même un agréable moment de lecture. Cela plaira sans doute aux lecteurs d'autant que le dessin est assez soigné. L'univers lui-même semble riche et fouillé.
Dans le même genre, je préfère nettement Servitude ou Siegfried. Toutefois, Dwarf mérite d'être lu car cela reste pas mal.
Très chouette tome qui prends du temps à lire grâce à son contenu, ce qui est pour moi, un élément très positif.
Rien à dire sur le dessin qui, sans être magistral, est bon, juste et constant.
Le scénario est très bien ficelé. Un petit reproche quand même: j'ai trouvé que certains évènements/décisions des protagonistes étaient parfois trop peu expliquées.
C'est donc clairement une bonne série, laissez vous tenter