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our Théodore, employé dans une compagnie de fret sise à Dunkerque, les noms de villes lointaines et exotiques que sa plume égrène au fil de longues journées embrumées recèlent un irrésistible appel, celui du large. Alors, quand son patron lui annonce qu’il peut partir pour l’Indochine comme commis sur le Cap Padaran, ni les larmes de sa mère ni la tristesse de sa sœur ne parviennent à le retenir. Mais le jeune homme n’a pas embarqué que sa rencontre avec un certain Monsieur Novembre, se proclamant son « Destin », augure déjà d’un voyage riche en péripéties. Là-bas, en Asie, l’aventure, l’ombre d’un oncle disparu, des pirates sanguinaires et la trace d’un trésor perdu et maints coups durs attendent un Théodore qui se découvre.
Les éditions Dupuis ajoutent une nouvelle perle à leur catalogue d’intégrales de classiques en publiant ce recueil rassemblant les quatre premiers albums de la série phare de Franck Le Gall. Théodore Poussin rejoint Spirou, son inséparable Fantasio, l’accorte Natacha ou encore le justicier le plus rapide de l’Ouest, donnant ainsi l’occasion au public de (re)découvrir sa fantastique odyssée de Dunkerque aux Célèbes, des docks noyés dans le brouillard à la touffeur de la jungle malaise. Né dans les années 80, le personnage n’a, cependant, de prime abord, rien de l’étoffe d’un héros. Rêveur et besogneux, il se gargarise du son de noms dépaysants et espère une traversée tranquille. Aussi, lorsque l’inattendu frappe à sa porte, se montre-t-il pour le moins rétif et peu enclin à se laisser glisser dans quelque grisante, autant que dangereuse, équipée. Même son allure possède quelque chose de falot, d’incroyablement commun, qu’accentue encore sa bouille ronde à lunettes - un brin intello.
De Capitaine Steene à Secrets, en passant par Le Mangeur d’Archipels et Marie-Vérité, le lecteur assiste donc à la genèse d’une figure, à son mûrissement progressif, tant dans le caractère qu’à travers le dessin, s’arrondissant au fil des ans, de Franck Le Gall. Le presque rachitique Théodore des débuts s’épaissit au fur et à mesure qu’il s’affirme et s’installe dans les atours d’un marin au long court, aventurier malgré lui. Sa personnalité s’affine, mais les traits préétablis demeurent. Aussi impliqué qu’il soit dans les incidents qui forment son lot quotidien en Asie, Poussin s’avère souvent plus spectateur qu’acteur, et sert surtout de catalyseur pour dénouer des situations tendues, un rôle qui ne cesse d'ailleurs de s'amplifier.
Néanmoins, Théodore Poussin ne se limite pas à son héros éponyme, mais se compose d’une galerie de protagonistes dignes d’un roman de Stevenson, certains – la majorité - semblant surgis tout droit des enfers, d’autres – si peu - se révélant de véritables amis. Trois s’en détachent par leur implication plus profonde dans l’histoire : l’incontournable Monsieur Novembre, inquiétant et sombre alter-ego, fabulateur et/ou manipulateur, toujours dans les pas du personnage principal. Martin, le bon samaritain, la main secourable, fournisseur de travail et soutien des bonnes causes – quitte à mettre parfois ses protégés dans le pétrin. Georges Town, enfin, sanguinaire capitaine pirate en quête de rédemption, fasciné par l’innocence de Théodore. S’y ajoute, dans le premier opus, la figure délétère du fameux Steene, cet oncle réputé mort et qui ne le serait peut-être pas. La recherche de celui-ci trouve par la suite un écho dans Marie-Vérité, où Poussin suit la trace fantomatique de la fille d’un rajah déchu.
Pour donner vie à ces personnages, Franck Le Gall ancre d’abord son récit dans la mémoire, celle de son propre grand-père dont il reprend le journal intime, dans les huit planches initiales de la série. Puis, il glisse insensiblement vers une narration plus proche de celle d’un Conrad ou d’un Monfreid, tout en conservant le côté réminiscences, que ce soit à travers la fable racontée par Martin à une passagère dans Le Mangeur d’Archipels ou les constatations et aveux que rédige le héros dans Secrets. Par ailleurs, au-delà du réalisme, le scénariste n’a pas manqué d’intégrer à son histoire les multiples éléments des grandes épopées maritimes, à coups de tempêtes, de mutineries, de combats et de fièvres, ainsi que quelques autres à la limite du fantastique, lesquels évoquent avec justesse tout l’imaginaire liés aux mystères orientaux.
Il faut cependant noter une certaine disparité entre les albums. En effet, après le volet initial correspondant à la découverte d’un monde lointain et empli de dangers, le deuxième tome semble moins cohérent, construit qu’il est autour de trois épisodes s’articulant plus ou moins bien entre eux, comme l’auteur le souligne dans l’intéressant dossier préfaçant cette intégrale. L’intrigue qui s’y noue autour de sir Laurance Brooke sert de tremplin pour une suite où Théodore Poussin trouve enfin sa place et sa stature. Graphiquement, le dessin de Franck Le Gall, héritier de la ligne claire, accompagne avantageusement cette vaste épopée, campant des protagonistes aussi divers que leurs caractères, rendant avec autant de talent les rues populeuses des ports asiatiques ou l’atmosphère étouffante de tripots baignés dans des lueurs blafardes. L’ensemble est complété par une nouvelle mise en couleurs qui accentue l’ambiance maritime et épique, tout en conférant un petit côté passé aux planches grâce, également, au papier choisi.
D'excellente facture, cette première intégrale de Théodore Poussin constitue une véritable invitation au voyage pour les amoureux des grands récits maritimes. N'hésitez pas, alors, à lever l'ancre et à appareiller en compagnie de Le Gall et de son marin en apparence ordinaire bien que définitivement hors du commun.
Très déçu par cette série, sorte de synthèse ratée entre les aventures de Tintin et celles de Corto Maltese. Les dessins de Le Gall sont moches. il n'y a pas une case dans laquelle les proportions du corps humain soient un tantinet respectées : les têtes sont soit trop grosses, soit trop petites. Théodore poussin est aussi charismatique qu'un chrysanthème fané dans un cimetière. Même quand il sourit, il tire la gueule. Aucun des personnages n'est attachant. Les histoires sont verbeuse, interminables (un cycle de 6 tomes pour savoir qui est Novembre ???) ; les quêtes de Théodore m'ont laissé de marbre. Finalement, Théodore abandonne sa plantation de cocotiers avec la même impassibilité que j'ai ressenti à fermer la dernière page de la série.
Le seul tome réussit est le 7 (la Vallée des Roses).
Une des meilleures séries. Super dessin, super scénario, super mise en couleurs, super papier, super maquette. Sur cette série tout est super.