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uenos Aires, août 1981, Ana et Paquita s’apprêtent à rejoindre la France afin de poursuivre leur apprentissage au sein du Centre de Recherche sur l’Architecture implanté à Grenoble. Cette venue en Europe sera également pour Ana l’occasion d'enquêter sur ses origines familiales, sujet à propos duquel ses parents émigrés en Argentine sont toujours restés évasifs. Dès leur arrivée, les deux amies rejoignent l’appartement qu’elles ont loué afin d’y passer leur année universitaire. Là, elles font la connaissance de Paul, un de leurs voisins, qui sera bientôt l’objet d’une rivalité amoureuse entre les jeunes femmes. Les semaines passent et la vie d’Ana se trouve vite rythmée par études et recherches généalogiques infructueuses. Un jour, pourtant, l’acquisition d’un roman intitulé La Corde, relatant le destin d’une famille juive pendant la seconde guerre mondiale, va bouleverser le cours de son existence.
La collection de Secrets imaginée par Frank Giroud s’enrichit d’une nouvelle chronique familiale où souvenirs enfouis et drames humains vont une fois de plus ressurgir au grand dam des principaux intéressés. À l’instar des récits précédents, cette histoire peut se lire de manière totalement indépendante. Néanmoins, les événements développés ici sont pour partie le prolongement d’une aventure déjà parue, L’Écharde. Il peut donc être utile de relire cette dernière afin d’apprécier au mieux l’intrigue présente. Malgré une narration agréable, l’auteur avait habitué ses lecteurs à un travail scénaristique plus abouti. Cette suite du diptyque évoqué ci-avant donne le sentiment, en fin de lecture, que le scénariste tire justement un peu trop sur la Corde. Ainsi, il est permis de regretter les quelques facilités qui permettent à l’auteur d’exhumer ce nouveau mystère de famille. L’accumulation d’improbables concours de circonstances empêchent de trouver cet opus totalement satisfaisant.
Au niveau graphique, la dessinatrice Marianne Duvivier illustre à nouveau l’un des titres de cette série. Son trait semi-réaliste s’accommode bien avec ce type de récit. À défaut de dessins très détaillés, l’auteure va à l’essentiel, ce qui confère une impression de légèreté à ses planches. La colorisation de Bertrand Denoulet n’y est d’ailleurs pas étrangère. Un bémol cependant : les visages des personnages sont parfois trop proches et brouillent quelques peu la nécessaire différenciation des protagonistes dans ce genre d’histoire. En outre, les physionomies souvent mal proportionnées se révèlent plutôt disgracieuses.
Au final, un album attachant de par le thème choisi, mais qui pour le moment laissera sans doute le lectorat sur une note insatisfaite quant à la manière retenue de faire avancer l’intrigue.
On a beaucoup décrit sur la dessinatrice Duvivier en affirmant qu’elle avait une façon un peu bizarre de représenter ses personnages avec des nez crochus et des visages allongés. C’est vrai mais faut-il pour autant rejeter tout son travail ? Une fois qu’on s’habitue à son trait, cela passe tout seul grâce à l’excellent scénario de Giroud. J’ai une fois lu une bd de Trondheim où l’on crie au génie alors que le dessin minimaliste m’a fait penser à celui d’un élève de maternelle. On sait désormais que le propos est ailleurs. Bref, pour conclure sur ce chapitre, je dirai qu’il existe bien pire dessinateur et qu’il ne faut pas exagérer.
J’avais pour ma part assez bien aimé la série Secrets : L'écharde que j’ai relu pour l’occasion puisque ce récit semble en être le prolongement. On devine assez tôt l’émergence d’un personnage longuement évoqué dans l’écharde et que tout le monde croyait mort dans les camps de concentration. Le suspense n’est pas véritablement à son comble. Il reste encore quelques zones d’ombres à éclaircir mais rien de vraiment palpitant. Il faut dire que la démarche est exactement la même que dans l’écharde à savoir une jeune fille qui cherche à découvrir ses origines car elle sent que ses parents lui cachent des choses. On est encore dans les non-dits révélateurs de petites souffrances accumulées.
J’apprécie beaucoup le cadre de ces histoires car le dosage semble parfait entre la petite touche d’histoire et la vie quotidienne faite de rencontres. Cela donne une vraie crédibilité à l’ensemble. On se situe de toute façon dans ce que j’aime bien lire.