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epuis l’adoption de la loi d’amélioration des médias visant à faire disparaître tout ouvrage jugé nocif par le gouvernement, les bibliothèques japonaises se sont fédérées et ont créé un corps d’agents spécialisés dans la protection des oeuvres et des lecteurs. Jeune aspirante, Iku Kasahara s’entraîne donc avec enthousiasme dans l’espoir d’accomplir elle aussi de grandes actions en protégeant ses chers livres. Mais sa tendance à toujours chercher la bagarre et sa désobéissance lui valent d’être souvent à couteaux tirés avec Dojo, son intransigeant instructeur. Pourtant, malgré leur mésentente, il n’hésite pas à venir en aide à Iku lorsque celle-ci se place dans une situation délicate lors d’une patrouille et soutient même sa candidature pour intégrer le groupe restreint des forces d’interventions…
Adaptation en manga de la série romanesque à succès d’Hiro Arikawa, Library wars – Love & war repose sur une idée de départ assez originale puisqu’elle met en scène la lutte organisée contre la censure institutionnalisée dans un futur hypothétique, aux accents néanmoins réalistes. La toile de fond révèle donc un contexte politico-culturel indéniablement intéressant et plausible qui, à lui seul, permet à ce premier tome de se démarquer de la production habituelle des shôjo ainsi qu’à susciter la curiosité.
S’aidant d’une galerie de personnages aussi attachants que charismatiques, Kiiro Yumi parvient sans peine à retenir l’attention et à développer un récit mené tambour battant, grâce à de nombreuses péripéties, rencontres et confrontations. La présentation du contexte et des protagonistes passée, l’auteure se focalise sur l’évolution de son héroïne au sein de la section militaire des bibliothécaires, en tentant de rester toujours plus ou moins crédible. Cela fonctionne plutôt bien, même si le grand enthousiasme d’Iku sent trop la caricature et que son idéalisme s’avère vraiment exagéré. Cependant, ces points participent également au charme de cette histoire portée par le caractère pétulant de l’apprentie-bibliothécaire de choc, ses accrochages avec son supérieur direct et la bonne dose d’humour distillée sans discontinuer par la mangaka. En outre, shojô oblige, la romance n’est pas loin et commence à se dessiner à travers un jeu de cache-cache – les intéressés refusant de reconnaître leurs sentiments naissants - assez amusant.
Pour ne rien gâter, le graphisme de Kiiro Yumi, typique du genre, accompagne avec dynamisme ce récit enlevé. Il campe de beaux et séduisants mâles en uniforme, pour le plus grand plaisir de la lectrice, tout en mettant l’accent sur l’expressivité des visages et le rendu des émotions. Moues boudeuses ou, au contraire, résolues, alternent ainsi avec quelques yeux embués de larmes ou quelques rougeurs de colère contenue lors de dissensions et discussions musclées. On regrettera néanmoins que les décors soient réduits à la portion congrue et que la propreté un peu trop marquée des miliciens de la bibliothèque en plein campement ne s'accorde guère avec la réalité.
Le constat de départ est plutôt étrange à savoir une brigade militaire pour défendre les livres. J'ai l'impression que d'autres corporations pourraient suivre l'exemple et se militariser contre le pouvoir central. Bref, l'idée de ce communautarisme fait peur.
Bien sûr, il s'agit ici de défendre la liberté d'expression mais la manipulation consiste toujours à se servir d'idéaux nobles. Pour le reste, le récit est réellement cul cul la praline car il va verser dans le sentimentalisme de base. C'est franchement niais à en mourir. Ne vous étonnez pas alors de ma notation sans concession de ce shojo qui se sert de l'aspect militaire pour créer une certaine originalité.