L
e 22 février 1918 naquit Robert Pershing Wadlow, l’homme le plus grand du monde. Christophe Bec entreprend, dans ce one-shot assez éloigné de sa production habituelle, de retracer le parcours de cet individu atypique qui, par la force des choses, aura attiré les regards toute sa vie durant. Ou comment se construire une identité propre quand le monde extérieur vous classe parmi les anomalies de la nature.
C’est toute une existence qui est résumée en l’espace de 62 planches, et il faut reconnaître que le rythme en pâtit parfois. D'un point de vue narratif, il n’est pas rare que les différents épisodes s'enchaînent de manière heurtée. Ce bémol mis à part, l’auteur parvient à retranscrire habilement la trajectoire de Wadlow tout en lui conférant une personnalité attachante. Sa taille aidant, le personnage renvoie dans un premier temps une image de force et de solidité face aux épreuves, mais, rapidement, il affiche une fragilité sans cesse plus tangible, comme si l’attention constante dont il fait l’objet se soldait par toujours plus de fêlures. Le sujet, délicat par ses nombreuses implications sur la société et la façon qu’elle a de mettre à son ban tous ceux qui s’éloignent de la norme, est traité avec tact et respect par Christophe Bec, dont le récit dégage beaucoup de tendresse.
Le dessin de Nicolas Sure, plutôt dans une veine semi-réaliste, convient parfaitement pour représenter une situation fort incongrue mais ô combien réelle. Bénéficiant d’un découpage qui donne aux silences l’importance et la place nécessaires, le trait souligne judicieusement certaines expressions sur le visage des acteurs, pour un rendu très vivant. Il se fait très discret et s’accompagne de tonalités très douces qui renforcent le sentiment que les auteurs ont redoublé de précaution pour raconter la vie de Wadlow.
Lui-même atypique, l’album se révèle à la hauteur de son sujet si intrigant. Pari réussi, donc, pour deux auteurs que l’on espère revoir bientôt associés sur un autre titre.
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