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ne femme d'un certain âge se raconte. À l’époque, elle était la belle Sarane, une jeune femme un peu rebelle, qui préféra l’aventure et les Touaregs à la vie rangée de femme d’officier : une belle histoire en cinémascope digne de Lawrence d’Arabie.
Cet album, sorti il y a plus de quinze ans et réédité dans un nouveau format à la mode, n’a pas pris une ride. Christian Lax (Pain d’alouette, Le Choucas) y développe une trame complexe permettant de nombreux niveaux de lecture. Cette vieille dame, est-elle vraiment la Sarane du désert ? Peut-être qu'elle est simplement contente d’avoir trouvé quelqu’un à qui parler et essaye de tromper sa solitude avec une aventure sortant de l'ordinaire. C’est aussi une histoire de tolérance et d’apprentissage des différences, aussi bien dans le désert que sur les pavés des villes. Et finalement, une constante se dégage dans l’œuvre de Lax : l’humain. A l’instar d’Amédée Fario dans l’Aigle sans orteil ou Kazi dans Les chevaux du vent (dessins de Fournier), tous ses héros se retrouvent, à un moment ou un autre, seul face à des situations extrêmes qui mettent leurs vraies natures à l'épreuve. Pour Sarane, il s’agit d’apprendre une nouvelle vie, celle du désert et des Touaregs. Au risque d’en oublier ses racines ?
Le scénario, fait d’aller-retours entre le présent et ce passé extraordinaire, est très bien construit. Les transitions entre les époques sont remarquablement amenées. Il suffit d’un petit détail, d’un souffle, pour que la narratrice invite le lecteur soixante ans en arrière. Le personnage de la conductrice de taxi est peut-être victime de la force du récit principal. En effet, cette jeune femme, jouant le rôle de l’auditoire, n’est que trop vaguement présentée pour vraiment s'intégrer dans l’histoire.
Graphiquement, Lax passe avec ingéniosité à un traitement classique, dans un style proche de Paul Gillon, pour la partie contemporaine à une mise en page cinématographique à grand spectacle pour les flashbacks pour lesquels le dessinateur réalise un travail tout bonnement extraordinaire : le souffle du désert est présent dans ces pages, les toiles de tente claquent et le soleil brûle la peau. Ce rendu époustouflant renforce le contraste avec la banalité du présent. Le tout est servi par une mise en couleur aux palettes en parfait accord avec les différents épisodes du récit.
Sarane démontre, sans que ça soit vraiment nécessaire, la place de choix que Lax s’est taillé dans le paysage de la BD francophone. Un album à redécouvrir d’urgence.
A lire également :
La chronique des Chevaux du vent par D. Wesel
La chronique de l’Aigle sans orteil par J. Léger
La chronique de Pain d’alouette par L. Gianati
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