L
a première planche est muette. Au loin, deux silhouettes s’avancent au milieu de décombres, laissant derrière elles les vestiges d’une guerre qui vient de s’achever. La plus âgée pointe son doigt, comme pour désigner ce qui sera désormais leur avenir. Il s'agit de Quentin, ancien coureur cycliste, gazé pendant la Der des Ders. L’autre, c’est Elie, son neveu, mineur de fond, « le seul de sa génération à descendre », comme dit le vieux Ternois avec fierté. La passion du vélo les a rapprochés, presque trop, au goût du paternel qui voit d’un mauvais œil son fils se détourner de valeurs essentielles à ses yeux. Être une gueule noire, dans le Nord, au début des années 20, c’est être un homme, un vrai.
A l’autre bout de la France, dans le Sud Ouest, Camille vit une retraite paisible, même s’il a beaucoup de mal à faire passer ses idées pacifistes, certains y voyant volontiers un manque flagrant de patriotisme. Alors, quand il reçoit des nouvelles de Reine, la fille de son ami Amédée, tombé sous les drapeaux, il décide de mener un nouveau combat : sortir la petite de l'orphelinat, l’arracher aux griffes de son directeur, et l’adopter.
Le Pain d’Alouette ? Ce sont les tartines que remontaient les mineurs de fond quand ils n’avaient pas terminé tout leur repas. C’est aussi le nouveau récit de Lax qui fait suite, du moins chronologiquement, à l’Aigle sans orteils, paru chez Aire Libre en 2005. Souvenez-vous… Amédée Fario, jeune militaire, gravissait les pentes du Pic du Midi pour y porter du matériel en vue de la construction d’un observatoire, avec l’espoir, permanent, de participer un jour au Tour de France. Il était accueilli au sommet par son ami, Camille Peyroulet, astronome, qui l'aida à accéder à la piste aux étoiles. Amédée disparu, c’est ce personnage attachant qui sert de fil conducteur à un récit prenant une dimension sociale et politique beaucoup plus importante.
Les ficelles peuvent paraître un peu grossières, les métaphores parfois simplistes, mais Lax possède le talent nécessaire pour rendre poétiques deux histoires, racontées en parallèle, sous fond d’après-guerre. Si la France se reconstruit, veut sortir peu à peu de son traumatisme, il en est de même de chaque protagoniste : la (petite) Reine, qui se cherche une famille, Quentin Ternois, qui revit sa passion à travers d'Elie ou le combat de Camille, qui compare volontiers sa lutte à l’ascension du Tourmalet. Car c’est le cyclisme, et notamment le mythique Paris-Roubaix, avec son lot de douleurs, d’efforts, de dons de soi, de partages aussi, qui les rassemble, ou qui les divise.
Les paysages montagneux des chaînes pyrénéennes ont fait place aux bassins houillers du Nord et à ses galeries sombres et sinistres. Le dessin paraît plus sale, moins précis, mais accentue au contraire le trait buriné des travailleurs du fond, ou la souffrance qui transpire des visages de chaque coureur. La mise en couleurs est, elle aussi, très réussie, puisant dans des tonalités douces comme le sépia ou le bleu pâle, et donnant à l’ensemble une parfaite harmonie.
Prévu en deux tomes, Pain d’Alouette se présente d’ores et déjà comme une série incontournable. Pourtant, pas de scénario ébouriffant, pas d’effets graphiques époustouflants, aucun personnage hors du commun. Mais c’est peut-être aussi la simplicité d’une histoire qui fait le talent de son auteur.
Lax fait partie de ces auteurs dont le talent n'est plus à démontrer. Aussi, il a les faveurs du public à chacune de ses publications. On ne doit surtout pas le critiquer au nom de la pensée unique !
Pour autant, j'ai la nette impression qu'on reste toujours dans le même domaine à savoir les courses du Tour de France dans les années 10 et 20. Il faut aimer le sujet pour s'accrocher. Celui qui n'aime pas le Tour de France pourra alors se raviser. On lui objectera qu'il pourra toujours s'interresser aux conséquences désastreuses de la Première Guerre Mondiale.
L'auteur ne semble pas se renouveler mais il améliore à chaque fois ce qui constitue son socle commun. Les dessins sont toujours aussi beaux mais il manque véritablement le changement qui trouverait grâce à mes yeux. C'est tout de même un peu dommage. Bon, je suis obligé d'accorder un 3 étoiles d'un point de vue objectif. Pour l'achat, il ne faudra pas trop m'en demander.
Pour ceux qui ont lu "l'aigle sans orteils", c'est un bonheur de revoir le personnage de Camille partir à la recherche de Reine, fille d'Amédée Fario. Cette fois-ci, plus autour de la célébre course 'Paris-Roubaix', Lax nous fait revivre le destins des mineurs des années 20. Son dessin est toujours aussi génial et le scénario est bien en place. On attend avec impatience la deuxième époque....
A lire de toute urgence (mais relisez bien "l'aigle sans orteils")
L'oeuvre est grande et longue (65 planches) et tout se met en place grace [b]au talent[/b] de l'auteur.
Le scénario est fort, on sort de la 1°guerre dans les lieux mêmes ou elle s'est déroulée, c'est l'enfer du nord. Tout y est la mine, la condition ouvrière, l'alcoolisme, la lutte des classes, le renouveau. Les personnages sont des durs comme leurs conditions de vie, les trognes sont burinées, tirées, épuisées, défigurées. Ici des gueules cassées, là des vies brisées.
Oui on parle du tour mais c'est pour évacuer le trop plein d'émotions, ici on se révolte à toutes les pages, il faut souffler. Et le lien n'est pas si ténu que cela, il y a le pain d'alouette, cette offrande, ce don de soi, la transmission filliale.
On sort de la lecture usée par la dureté, on y est encore une heure après.
Un monument du neuvième art pour sur, une merveille de talent (du vrai pas de la poudre aux yeux) scénaristique et quel dessin. La page 45 est si belle que j'ai bloqué 2 minutes dessus (et réouverte depuis).
Vous m'en resservez un l'an prochain, merci.