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n pont en ex-Yougoslavie va être le théâtre d’une scène de guerre où vont se croiser un sniper, des profiteurs, des soldats de l’ONU et des civils. Les éléments s'installent dans un calme tout juste perturbé par l’arrivée du brouillard.
Un aéroport, ses salles d’attentes, ses couloirs, autant de lieux de parenthèse par excellence, où tout est furtif, comme en suspens. Chacun comble son ennui à sa manière, les gens s’observent sans vraiment se voir, l’esprit ailleurs, souvent loin.
Les points communs entre ces deux récits indépendants sont nombreux. Rapides à lire, non parce que courts, mais parce qu’il ne peut en être autrement. Construits sur un schéma similaire : les éléments se mettent tranquillement en place - le lecteur, spectateur extérieur, ne manquera pas de percevoir toute la tension derrière le calme apparent - avant de se mettre en marche de manière implacable. C’est l’histoire de rencontres sans rencontre, où le hasard des évènements dans Brouillard au pont de Bihac, une mécanique parfaitement huilée (tout du moins pour les esprits pas trop retors) dans 58 minutes pour mourir, vont faire basculer bien des existences. Le pendant typique est un démarrage dans lequel il est difficile de se retrouver du fait des différentes trajectoires qui peinent à trouver un sens avant d’arriver à leur point de jonction. Le dessin, aussi tranchant que la narration, n’aide pas en ce domaine, mais possède bien d’autres qualités. Volontairement dénué de beauté et de douceur, le trait paraît comme tracé au couteau - les lignes droites et les angles se font plus nombreux que les courbes. Le côté obscur achève de l’emporter avec un noir omniprésent qui sature l’espace, ne laissant au blanc d’autres alternatives que de le servir. Il en va ainsi du regard des protagonistes, constamment plongé dans l’ombre, renforçant l’anonymat de chacun dans ce tableau totalement dépourvu d’humanité. Totalement ? Pas tant que ça, et c’est sans doute sur ce point que les deux nouvelles diffèrent le plus. Si le vide des sentiments s’impose dans 58 minutes pour mourir, tant tout semble impersonnel, Brouillard au pont de Bihac qui peut paraître animé par la même froideur, n’en extirpe qu’avec plus de force le drame de ses victimes.
Album brillant par sa construction, il est profondément en phase avec la collection dédiée à l’adaptation de romans noirs dont il est issu. De quoi satisfaire les amateurs du genre.
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