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escendu des hauts plateaux du Tibet, Jonathan se retrouve en Birmanie. Alors qu'il est vaguement employé par un représentant du CICR, divers tracas administratifs l'obligent à une longue attente sur les bords du lac Inlé. Entre deux séance de méditation, U Kyi, un moine bouddhiste, lui enseigne un peu plus que les vertus de la patience.
Ce qui frappe en premier lieu, c’est l’aspect contemplatif du scénario, la trame du récit étant clairement placée sous le signe de l'introspection. Après trente ans d’aventure, Jonathan – l’alter ego fantasmé de Cosey – reprend son journal et fait le point. Et le dessinateur d'À la recherche de Peter Pan va jusqu'à s'inviter lui-même dans les pages du livre via un échange épistolaire avec son personnage. Le héros passe beaucoup de temps à méditer, l’auteur également. Le lecteur suit le cheminement narratif du duo créateur/créature. Cette voie, jalonnée par de nombreuses références aux tomes antérieurs, peut paraître étrange, mais reste toujours très bien construite. Dans la plus pure tradition bouddhiste, l’album se clôt sur plusieurs principes, sans doute laissés là pour encourager la méditation.
À la fin des années soixante-dix, Jonathan livrait des armes à des rebelles tibétains. Aujourd’hui, au XXIe siècle, la Chine occupe encore le Tibet et c’est dans une autre terrible dictature, la Birmanie, que l’histoire continue. Malgré les espoirs déçus, le côté militant de Cosey reste présent.
Dans Echo, superbe album d’illustrations et de croquis sorti en 2007, Cosey montrait d’une façon chronologique son cheminement graphique. Il est tentant de voir en Elle un exercice similaire au niveau scénaristique et philosophique.
Récit hybride, mi-aventure mi-psychanalyse, Elle ou les dix mille lucioles n’est certainement pas l’aventure la plus représentative de Jonathan. Malgré sa forme atypique, il s’agit d'un album indispensable pour tout amateur de Cosey.
Cosey est de retour.
Durant la "3ème époque" de l'auteur, les deux albums précédents n'avaient guère le souffle, la clarté, ni la qualité graphique du maître malgré ce choix judicieux de raconter le réel du tibet au travers de ce témoin privilégié qu'est Jonathan. Cosey cherchait à raconter ses histoires autrement que durant ces chefs d'œuvres précédents. Et à mes yeux cela ne fonctionnait pas.
Avec "Elle", non seulement l'auteur s'est retrouvé mais, en plus , il se sublime. Quelle beau carnet de route que cet album là. Cosey choisit l'écrit d'un journal intime qui n'est pas illustré par les images car les dessins racontent le quotidien d'un Jonathan, témoin de la vie Birmane. Les échanges épistolaires entre Jonathan et Cosey, entre Jonathan et Kate ( pourquoi pas entre Jonathan et Drolma?) sont savoureux de réflexions métaphoriques et d'amitiés intellectuelles. Et j'avoue que cette inversion qu'est l'échange entre un auteur et son personnage fictif, et déjà utilisé durant le premier tome, offre une mise en abime savoureuse.: c'est le double fantasmé qui incite l'auteur à quitter ses crayons pour vivre la vrai vie...donc sa propre vie qui est de papier.
Puis il se déclenchent une histoire malicieuse sur fond de résistance, une histoire que l'on ne voit pas venir puisque l'on se sert de la naïveté de Jonathan pour combattre. Une sorte de manipulation positive qui prouve qu'à vouloir trop intellectualiser le bonheur et sa recherche, on oublie la dictature et l'instant présent. Le final est un truculent pied de nez à toute la réflexion de l'album.
Et il y a les dessins. Enfin, pourrais-je dire, il y a les dessins. les personnages étaient au scalpel, ils le seront désormais toujours mais les profondeurs des visages et des corps reviennent. Les émotions aussi. Il y a les grands espaces de retour. Les belles images de ce quotidien Birman magnifiées par les couleurs et leurs aplats les uns contre les autres. Certes, ont disparu les ombres et les ambiances cotonneuses. Cosey joue avec les couleurs chaudes et vives. Les ombres sont secondaires. Mais, si Cosey a transformé son dessin de manière drastique, il réutilise son savoir faire pour densifier son nouveau style.
C'est beau et limpide à nouveau. Enfin.
Cosey cherche à peine à raconter une histoire, décrivant les rencontres de Jonathan et les réflexions philosophiques qu'elles engendrent à la recherche du bonheur et de "Elle"? Je pense que les nouveaux lecteurs auront du mal à rentrer dans cette ambiance où le texte prend autant de place que l'image.
Mais pour les adeptes comme moi on retrouve avec plaisir la musique de Cosey, et l'environnement graphique si particulier.
A lire pour les aficionados, pour les autres lisez les premiers tomes avant.