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assion, honneur, violence… place au tango ! D’un côté, Miguel, mi-marin mi-voyou, mais le meilleur danseur de la ville, de l’autre, la belle Isabella, la fille du potentat local, le redouté Don Sendoval. La prochaine milonga risque d’être sensuelle et sanglante.
L’histoire écrite par Michael Monnin n’est guère convaincante. Cette honorable tentative de renouveler le genre, très codifié, de la tragédie romantique, s’enlise très rapidement. Les personnages, particulièrement, sont peu crédibles. Alors qu’une passion profonde les unit, Miguel, caricature du macho, et Isabella, à la fois fière et soumise, ne semblent pas très pressés de consommer leur union en dehors de la danse. Quant au Señor Sendoval, le supposé maître de la ville, il ne réagit pas nécessairement comme le caïd qui a été présenté. Par moment, les différents protagonistes s’agitent bien un peu, mais ils passent surtout leur temps à déclamer, les yeux tournés vers l’horizon, de grandes phrases ampoulées pendant que le lecteur se demande à quel moment ils vont enfin prendre en main leur destin. Reste le tango que Monnin a très bien su incorporer à son récit. Peu importe les différences sociales, sur le parquet, seul le talent a la parole. Les âmes sont mises à nues et les corps s'expriment.
Des silhouettes toutes en rondeur, un peu à la Botéro, et des décors légèrement perdus dans le brouillard, Philibert a choisi un style radical. A la limite de la peinture, il illustre ce récit d’une façon très originale. Outil des danseurs par excellence, le corps humain est à l’honneur. Torses et cous hypertrophiés, regards perçants et cheveux plaqués, les personnages, tendus à l'extrême, sont toujours prêts à bondir pour attaquer la prochaine danse. Cette tension à la fois physique et sensuelle est très bien rendue. Malheureusement, le dessinateur se limite à un seul type d’anatomie. Résultat, il est parfois un peu difficile de discerner les différents protagonistes entre eux.
L’approche très (trop ?) stylisée des auteurs rend Noir Tango un peu indigeste. C’est dommage, car la danse et le tango en particulier ne sont que trop rarement utilisés en bandes dessinées.
J'attendais de ce titre une véritable histoire de tango. Or, il s'agit plus d'un règlement de compte dans une famille argentine des années 40. Bref, beaucoup de bastons et d'infidélité et peu de grâce à travers cette danse. Le tango est pourtant une danse empreinte d'une passion des sens. Je regrette le peu de place qui lui est finalement accordé malgré le titre.
J'ai compris par la suite que l'auteur décrivait une société scindée en deux entre les riches propriétaires terriens et les miséreux et que le tango était l'une des choses permettant de gommer toutes ces différences sociales. Par ailleurs, l'amour n'a pas de frontière quand on est un génie de la danse ...
Il faut dire également que le trait du dessin si particulier m'avait plutôt rebuté au départ. On arrive à s'y faire et peut-être même à apprécier ce côté charnel des mouvements. La narration est plutôt fluide. Même si on ne s'attache pas aux personnages, on se laisse guider au pas de danse. La fin m'est apparue en totale décalage avec le ton résolument pessimiste. Mais bon, cela surprend un peu.