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n homme en souffrance, engoncé dans ses certitudes, celles-là mêmes qui ne sont jamais tant mises à mal que dans le cadre qui l’a vu grandir. Sur la défensive alors qu’il n’y a pas lieu de l’être, pressé comme s’il voulait montrer quelque chose et d’un naturel inquiet, dès les premières pages, l’histoire se concentre sur François, seul personnage en décalage avec l’atmosphère légère qui accompagne en toute logique ce début de vacances dans la maison parentale.
Tout en mesure, cet album sonne juste, ce qui n’est pas la moindre des qualités quand il s’agit d’aborder les rapports humains. C'est d’abord le fait d’une mise en scène sobre, qui ne s’embarrasse pas d’artifices et va l’essentiel : les protagonistes. Du dessin ensuite, rehaussé au lavis, se dégage une sensation de tranquillité qui n’a rien de surfaite ; l’ambiance est globalement sereine, et offre un contraste bien vu aux tergiversations intérieures de François. De même, la représentation des tenues et le jeu des gestuelles aident, avec des « petits riens », à préciser la nature de chacun. Dans ce théâtre familial, les dialogues situent avec acuité les rapports en présence (les vents dominants ?), et même les absents, puisque la sœur qui n’apparaît pas de l’album, est évoquée à maintes reprises, ce qui lui confère une importance certaine dans ce château de cartes. Enfin, le trait de Glen Chapron, sous des faux airs de brouillon, complète le tableau, donnant ce qu’il faut d’expressivité aux visages.
C’est dans ce décor que s’exprime sans pathos la détresse de François, la quarantaine et aîné de la fratrie. Cet environnement qui l’a façonné lui pèse : il parvient à se mettre tout seul une pression phénoménale pour paraître « à la hauteur ». A la hauteur de quoi ? D'une certaine idée de ce qu'il aurait voulu être, car il se pose en éternel insatisfait ? De son frère cadet, celui qui gagne si bien sa vie, tellement décontracté, tellement bien dans sa peau ? De sa sœur, la petite dernière, volage et imprévisible, qui semble néanmoins réussir dans sa branche ? Cela alors que lui trime pour payer sa maison et ne veut rien devoir à personne. Sait-il seulement ce qu’il veut ? Psychorigide, il s’enferme dans un raisonnement évoqué avec force dans ses rêves - plus révélateurs pour le lecteur que pour lui-même. Conséquence de ce fardeau qu’il porte au quotidien : il reporte ses angoisses sur ses enfants, avec lesquels il se montre maladroit pour exprimer ses sentiments, et plus précisément son aîné pour lequel il veut le meilleur. Sur ce point, la confrontation avec le neveu, chargée en symboles, est cruelle.
D’une remarquable maturité et sans excès, cet album de deux jeunes auteurs dévoile avec empathie et subtilité le savant mécanisme par lequel un homme parvient à construire son propre malheur et à se complaire dedans.
Quand j'ai commencé à lire cette bd, je me suis dis que je devais certainement l'avoir déjà lue. Il s'agit d'un couple avec deux enfants qui part passer des vacances estivales au bord de mer chez les parents où ils sont rejoints par le frère et sa famille. Bref, c'est une scène tellement commune et universelle. Il n'y a pas réellement d'originalité dans le traitement. C'est bien la vie de tous les jours qui est analysée au peigne fin.
Le personnage principal est d'ailleurs quelqu'un de très strict avec son fils et avec lui-même. Il ne se lâche pas, ce qui le rend plutôt antipathique et plombeur des soirées d'ambiance. Il jalouse un peu son frère qui a un comportement plus cool. Bref, les repas de famille réservent toujours des surprises. On se laisse gagner par le jeu des acteurs tant il y a une véritable justesse dans l'analyse des situations. C'est tellement crédible.
Au final, on reste un peu sur notre faim car les thématiques développées par le récit ne sont pas allées plus loin qu'on ne l'espérait. Il n'y aura pas de final tonitruant. Au fond, c'est quand même une lecture dispensable à moins d'aimer les tensions familiales au point d'en vouloir même en bd !