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Notre Mère la Guerre 1. Première complainte

05/10/2009 12110 visiteurs 7.8/10 (6 notes)

E n 1915, au milieu des nombreux cadavres recrachés par les tranchées, c’est surtout celui de Joséphine Taillandier qui suscite l’indignation. La jeune serveuse de bar est retrouvée la gorge tranchée et portant sur elle une lettre rédigée par son assassin. Tout désigne le seconde classe Albert Choffard, qui sera d’ailleurs fusillé en toute hâte et sans aucune sommation. Malheureusement, les meurtres ne s’arrêtent pas pour autant car une infirmière de la Croix Rouge et une journaliste canadienne sont également retrouvées parmi les victimes de la ligne de front. Le lieutenant de gendarmerie Roland Vialatte est alors envoyé sur place pour élucider ces crimes scandaleux.

Après le Mattéo de Jean-Pierre Gibrat, Futuropolis lance donc une seconde saga se déroulant pendant «La Der des Ders». Malgré l’abondance de ce genre de récits ces derniers temps, Kris et Maël optent pour une approche originale en faisant découvrir les méandres de la Première Guerre mondiale à travers une enquête policière à l’avant des combats, là où l’ennemi se trouve à portée de voix.

Si le scénario s’articule autour d’une série d’homicides au sein d’un environnement donnant une fausse impression d’impunité, la recherche du meurtrier ne s’avère finalement qu’un prétexte pour faire découvrir toute l’horreur et l’aberration de ce conflit. C’est en suivant les pas d’un «planqué» qui n’a pas sa place au milieu des soldats, que le lecteur se retrouve au cœur des hostilités, partageant le quotidien de jeunes gens transformés en chair à canon. L’utilisation d’un héros narrateur, lettré et cultivé, permet à l’auteur de coller les mots justes sur des événements qui ne le sont que rarement. Des textes dont la poésie tranche fortement avec la barbarie qui anime cet enfer, mais dont la précision dépasse largement celle des tirs adverses. Dans le silence qui succède au bruit des salves ennemies, telle une ultime rengaine à un tableau des plus misérables, une longue complainte agonisante résonne ainsi au loin : «Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire. Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau … »

Le même contraste se retrouve au niveau des dessins de Maël, qui combinent légèreté, sensibilité et élégance à une retranscription extrêmement réaliste de l’ambiance brumeuse et froide de ces avant-postes boueux et sanglants de la guerre 14-18. A l’instar du récent L’Encre du passé, le dessinateur livre un travail graphique splendide. Usant d’aquarelles en couleurs directes et jouant sur les nuances de quelques tons savamment choisis, l’artiste propose des planches de toute beauté qui dépeignent avec beaucoup de brio cette fresque violente.

Livré sous forme d’intrigue policière, cette Première Complainte inaugure de manière fort convaincante ce nouveau triptyque dédié à la Grande Guerre.

Par Y. Tilleuil
Moyenne des chroniqueurs
7.8

Informations sur l'album

Notre Mère la Guerre
1. Première complainte

  • Currently 4.35/10
  • 1
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  • 6

Note: 4.4/5 (173 votes)

  • Maël
  • Maël
  • 09/2009
  • Futuropolis
  • 9782754801652
  • 62

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 01/09/2020 à 10:55:57

    Kris sait raconter à merveille les histoires et même sur des chapitres totalement différents. C’est un auteur que j’aime bien. Que de chemin parcouru depuis « Un homme est mort » ! Et pourtant si on y regarde bien, peu de temps nous sépare de cette dernière production.

    On est plongé au cœur de la Première Guerre Mondiale dans les tranchées à vivre l’horreur en compagnie des poilus. Or ici, le propos va plus loin puisqu’il s’agit de meurtres crapuleux de civils sur la ligne du front. Comme si la boucherie de la guerre ne suffisait pas ! On suit l’enquête d’un militaire qui n’est pas un soldat. A travers ses yeux, on mesure l’innommable et l’absurdité de ces temps.

    Ce premier tome m’a donné envie de connaître la suite. Le travail au niveau du dessin est de grande qualité. Le crayonné a permis de bien retranscrire l’atmosphère qui régnait alors. L'association entre le scénariste et le dessinateur semble fonctionner à merveille. C’est du bon travail !

    bobhard Le 08/07/2020 à 09:22:52

    Sous couvert d'une enquête policière, Kris nous fait découvrir le monde à part que constitue le front durant la "Grande guerre". Loin d'un récit exaltant l'héroïsme au combat, il nous plonge avec brio dans l'apreté , la boue et la mort omniprésente au front. En utilisant dans les dialogues un vocabulaire populaire propre à l'époque, il met en évidence la coupure sociale entre officiers supérieurs et soldats du quotidien issus d'une France rurale et populaire.
    Les aquarelles aux couleurs pastelles du dessinateur Maël renforcent l'ambiance "boueuse" du front en ce début de 20ème siècle. Utilisant un trait nerveux et précis, Maël par son découpage procure le dynamisme nécessaire à l'intrigue de l'enquête.
    Une superbe BD!

    Brick Le 25/04/2012 à 09:38:31

    Futuropolis a eu l'excellente idée d'éditer une très belle trilogie sur la Grande Guerre, avec Maël au dessin et Kris pour le récit : "Notre mère la guerre". Le premier volume ("Première complainte") introduit dans l'enfer des tranchées le meurtre de jeunes femmes et le lieutenant de gendarmerie, lettré, humaniste et perçu comme un planqué, qui va enquêter sur ces crimes.
    Le texte bénéficie d'une qualité supérieure à la moyenne, littéraire, poétique, et parfois un peu emphatique ; très réaliste aussi, pour un récit documenté et très bien charpenté.
    Le trait de Maël est particulièrement adapté au thème, croquis nerveux, précis et superbement aquarellés, qui pourraient parfois sembler être le fruit d'un poilu artiste, griffonnant son quotidien dans un coin de boue, s'il n'y avait la couleur.
    Évidemment, la suite doit être lue.

    guyomar Le 25/10/2010 à 11:22:04

    Pari risqué que de lancer un nouvelle série sur le thème de la grande guerre, tant celui ci a été brillamment abordé ces derniers temps (Putain de Guerre de Tardi, Matteo de Gibrat, Paroles de Poilus, La tranchée...). Et pourtant je trouve le pari réussi haut la main ! D'abord parce que j'ai été vraiment convaincu par les partis pris graphique (aquarelle, palette de couleurs), ensuite parce que l'histoire est de mon point de vue très intelligemment mené. Dans la Veine de "La Tranchée" de Cady et Marchetti, l'histoire avec un grand H est abordée par le prisme d'une histoire policière : des meurtres en première ligne ! Et alors pourrait-on dire, quoi de plus normal, la ligne de front est la plus grande scène de crime que l'on peut imaginer...et puis c'est du crime organisé, massif et légalisé au nom de la patrie ! Oui, mais là il s'agit de femmes civiles, occises par un mystérieux écrivain...suffisant pour qu'un officier de gendarmerie, érudit et légèrement collet monté, viennent se perdre dans le bourbiers des tranchées au contact de minots déjà fracassés par le "quotidien" aliénant de la guerre. Deux mondes, deux visions, mais un enfer commun, celui de la mort...bref, passionnant !

    anand Le 26/12/2009 à 16:29:30

    Un temoignage sur la folie humaine comme on en voit peu, voilà ce qui vient à l'esprit lorsque l'on termine cette "première complainte".
    Le dessin est particulèrement travailler, le texte est très poétique mais n'enlève rien à la gravité de la situation et ne sublime en rien l'horreur de la guerre, les couleurs sont pales, ce qui donne une impression mortifère assez efficace et très adaptée au récit.
    Bref un premier tome qui sonne juste, très réaliste sans tirer sur la corde du pathétique, vivement la suite.

    etienneheymans Le 15/10/2009 à 18:08:16

    On pourrait se dire encore une histoire de poilus ! Mais cette BD est tellement plus qu'une histoire sur la guerre. A chaque planches il y a quelques chose a découvrir, que ce soit: la saleté de la guerre, l'injustice au sein de l'armée, les vers de Victor Hugo. On lit cette album avec tellement de plaisir que l'on voudrait que cela ne finisse jamais. Merci mille fois aux auteurs de nous faire partager leur vision de la guerre.
    Vivement la deuxième complainte

    madlosa Le 30/09/2009 à 18:34:37

    FUTUROPOLIS est coutumier des oeuvres d'auteur, une sorte de filière art et essai de la BD sans le côté péjoratif qu'il a pu revêtir parfois avec le 7ème art. Ici Maël et Kris que l'on a pu apprécier dans des oeuvres majeures, nous entraînent avec le lieutenant de gendarmerie Vialatte sur les traces d'un teur en série qui s'attaque aux femmes. L'histoire est l'occasion pour les auteurs de nous décrire les absurdités de la guerre et le décalage qui existait en 14/18 entre les premières lignes et les "planqués". Les planches sont poétiques tout en étant impitoyables magnifiées par des textes et une mise en page saisissants. Ce premier volume représente une supplique à la vie, à l'amité et ... à l'enfance assassinée. Poignant !