I
ls sont 19. Ils n'ont rien en commun, sinon le fait d'appartenir à l'équipage d'un sous-marin allemand à la veille de la seconde guerre mondiale. Immergés dans leur engin de guerre, contraints à cohabiter malgré leurs dissensions, ils passent leur temps entre corvées ingrates et disputes répétées. Pour eux, la grandeur de l'Allemagne, tant louée par le régime, a un goût rance, un goût de pourriture et de sueur.
Cadre original pour cette nouvelle série de Nicolas Juncker, et dessin adapté par rapport à ses précédentes réalisations. Ici, le trait est plus épais, plus brut, et le découpage en cases très serrées donne une impression d'enfermement que le manque de lumière rend encore plus criant. La mise en couleurs, particulièrement sombre, joue également un rôle à cet égard : le ciel n'est pas bleu, mais d'un gris empreint de tristesse ; la mer n'est pas bleue, mais d'un vert sombre dont s'accommodent des marins qui tentent de survivre dans un monde clos, trop petit pour eux. Et les incursions, en lettres grasses, des bruits de fond produits par la machinerie du sous-marin, ajoutent au manque d'espace un manque tout aussi insupportable de calme, de repos tant désiré par des hommes poussés à bout.
Pourtant, quand les membres d'équipage sortent du submersible et retrouvent le vaste monde, leur environnement ne s'éclaircit pas. Ce sont les mêmes tonalités qui prédominent, car, si leur champ de vision est limité lorsqu'ils sont à bord, leur avenir l'est autant lorsqu'ils rejoignent la terre ferme. L'armée les aura privés de toute perspective, de toute envie, et les aura enfermés à jamais dans un univers qu'ils finissent forcément par détester. Ils sont tous différents, que ce soit par leur âge, leur religion, leur situation sociale, ou toute autre facette de leur vie, mais ils partagent le même sort, et la même fatalité.
Avec ce premier tome, l'auteur de Malet et D'Artagnan continue à brouiller les pistes, comme s'il cherchait à se rendre inclassable. Noble intention pour un artiste que de vouloir échapper aux étiquettes, d'autant plus quand le résultat est à chaque fois brillant. Nicolas Juncker, un nom à retenir, et une carrière à suivre avec la plus grande attention.
Bon, les histoires de sous-marins en bande dessinée, on connaît ! Cette série nous évite les poncifs du genre pour nous mettre l'accent sur ce qui se passait réellement en Allemagne durant le nazisme. Même ceux qui combattaient au nom de cette idéologie n'étaient pas à l'abris du monstre qui les happait une fois rentrés au port. On vit dans le quotidien de ces allemands qui ont été pris par la guerre et qui visiblement n'était pas tous féru de nazisme et de salut hitlérien.
Pour le graphisme, il faudra repasser. Il y a des cases où j'ai dû aller à plusieurs reprises pour comprendre l'intrigue et ce qui se passait. C'est quand même un peu désobligeant. Pour le reste, c'est un bon polar maritime oppressant avec un côté historique très appuyé donc appréciable.
Étant un grand fan du film et du livre "Das boot" je ne pouvais pas passer à coté de cette BD. J'avoue que les dessins ne sont pas ceux auxquels je suis habitué mais je dois dire qu'ils collent parfaitement a l'univers. Et puis le fait d'avoir utilisé un cadrage serré lorsque nous sommes dans le sous marin, donne au lecteur l'impression d'être coincé avec les marins les marins dans leur folle aventure. Vivement la suite, en tout cas ne passé pas à coté de cette album il en vaut vraiment la peine.