I
ssu d’un milieu défavorisé, Johnny Cash grandit au sein d’une famille aimante qui gagne péniblement sa vie en cultivant du coton. Durant toute sa jeunesse passée dans les champs, il est bercé par cette musique, si spécifique, qui permet de tenir debout face à un quotidien éprouvant et de s’évader lorsque le sort, plus d’une fois, n’épargne pas les siens. S’enchaînent alors première guitare, premier groupe, première femme, premier concert puis l’ascension, avec, en parallèle, premières bastons, premières cuites, autres femmes, paradis artificiels et rapport personnalisé avec Dieu. Itinéraire d’une légende de la country.
Retracer ainsi l’existence d’un « Nom » est sans nul doute un exercice périlleux, tout du moins pour celui qui veut aller au-delà de la biographie linéaire sans sombrer dans le piège de la passion aveugle. Force est de constater que l’auteur allemand Reinhard Kleist parvient à éviter ces mornes terrains et à livrer un récit dense pour lequel il a effectué des choix, insistant sur telle ou telle partie qu’il a jugé bon d’exhumer. Ainsi, il prend son temps pour dérouler l’enfance de Johnny, ce qui lui permet de bien préciser le contexte de son histoire et prépare, sans avoir l’air d’y toucher, ce qui constituera sans doute le point d’orgue de la carrière du musicien : le concert enregistré de la prison de Folsom. De même, il s’attache à bien affiner son interprétation de l’homme en évoquant les dérives et une certaine folie qui va de pair, probablement due au succès, mais aussi, et surtout, en dépassant ces poncifs de star pour s’attarder sur les convictions, l’énergie et l’humanité qui l’animent. Alors certes, quelques rares passages dans ces deux cents planches sont un brin « fouillis », impression que peut accentuer la ressemblance des faciès marqués par une coiffure – la banane - qui s’impose comme la marque de fabrique de l’époque, mais l'album est globalement bien construit. La fin, sous forme d’allégorie, aura ses détracteurs, mais il était sans doute peu aisé de conclure cette longue errance de manière rationnelle.
Le dessin, à l’image de ce qui est conté, reste très sombre et bénéficie d’un trait nerveux, parfois comme coupé au couteau, qui restitue fort bien sur les visages les stigmates d’une vie marquée par les excès. Le rythme est fortement influé par un découpage des planches à l’avenant, qui n’a d’autre ambition que de servir l’histoire.
Reinhard Kleist a su trouver l’acoustique idoine pour donner une juste résonance à cette biographie. Il est indéniable qu'une certaine idée de la musique country coule dans les veines de cette interprétation.
La vie de Johnny Cash a été bien plus mouvementée que ce qui est raconté dans cet album. Néanmoins la lecture reste plaisante, même si la narration est un peu saccadée. Le dessin est rude et simpliste, sans réel intérêt.