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rtiste, écrivain, chanteur, ingénieur, inventeur, musicien, parolier, trompettiste, poète… Dire de Boris Vian qu’il était un touche-à-tout serait à coup sûr un doux euphémisme. Figure incontournable du milieu du 20e siècle, il fréquenta les plus grands : de Simone de Beauvoir à Jean-Paul Sartre, de Juliette Gréco à Duke Ellington en passant par Miles Davis ou Charlie Parker. De « L’Ecume des Jours » à « J’irai cracher sur vos tombes », il saura susciter admiration mais aussi indignation et scandale.
C’est pourtant au bord d’une piscine que débute le récit d’Hervé Bourhis. Le calme apparent d’une eau limpide où se reflète l’ombre d’un homme au crépuscule de sa vie contraste avec son existence tourbillonnante. Car Boris Vian se savait malade, condamné, depuis ses premiers problèmes cardiaques, dès l’âge de 12 ans. Mais il considérait que nager en apnée était bon pour son cœur, ultime clin d’œil. Flashback.
Landemer, dans le Cotentin, 1929. Une famille réunie, heureuse, aisée aussi. Néanmoins, la crise passe par là. Paul Vian quitte son statut de rentier et trouve un travail, modeste. Mais surtout, tous doivent abandonner la villa des Fauvettes pour emménager dans l’appartement des gardiens, à Ville-d’Avray. Puis, ce sont les premiers contacts avec la musique, le jazz en particulier, pour devenir, très jeune, membre du Hot Club de France. Le récit s’accélère. Le Bac en poche, école d’ingénieur, premiers amours, la guerre, la fuite et… L’eau du grand bassin, un visage fermé, un cœur qui s’emballe.
Écrire une biographie, celle de Boris Vian en particulier, est un exercice difficile. En dire trop ou pas assez, vouloir être exhaustif sans tomber dans le journal chronologique et rébarbatif, contourner l’énumération… Autant d’écueils que les auteurs ont su éviter avec brio. La narration est alerte, imaginative, cultivant tout au long de l’album l’opposition saisissante entre le silence et la quiétude de la Piscine Molitor et le brouhaha incessant de la vie de l’artiste. Les personnages secondaires occupent également une place de choix. A commencer par les deux femmes de sa vie, Michelle et Ursula. Mais surtout, Jacques Loustalot, dit « Le Major », dont l’excentricité forcera son admiration et en fera l’un de ses meilleurs amis.
S’il fallait qualifier le travail de Christian Cailleaux, ce serait sans doute par le mot « élégance ». L’auteur passe allègrement d’un trait vif et de décors surchargés, teintés de rouge pour dépeindre l’une des nombreuses fêtes organisées par l’écrivain, à un style beaucoup plus dépouillé, presque froid, quand ce dernier se retrouve seul face à sa maladie.
Les auteurs ont réussi le tour de force de rendre une biographie passionnante, de s’intéresser à un album avant d’en connaître son héros. Un bel exemple de ’Pataphysique que n’aurait pas renié l’un des plus célèbres Satrapes.
Pour ma part j'ai bien aimé ce récit de la vie de Boris Vian. Il est fait de plein de petites touches basées sur des flashbacks qui eux sont chronologiques.
La BD permet de cerner sa vie d'écorché vif en bute au système qui le reconnait par moment au gré de quelques épisodes (publications, chanson; moteur du jazz en France et même premier compositeur de rock avec Salvador).
Le personnage est bien décrit et les destins croisés avec ses rencontres sont là. Certaines scènes sont touchantes comme la scène inaugurale où il voit avec son père le départ d'un transatlantique (Le Titanic), ou celle où il est rejeté et vie pauvrement alors qu'il est connu.
Cependant aimant beaucoup le personnage, j'ai trouvé le récit un peu trop impersonnel. Le dessin de C. Cailleaux est parfois inégal et parfois sublime. D'où ma note de 3/5.
Ma première réflexion après lecture : cet hommage ne casse pas des briques. On aurait cru la vie de Boris Vian plus passionnant que cela. C'est surtout celle d'un bourgeois à la santé un peu fragile. Ce fut pourtant l'une des figures littéraires les plus importantes du milieu du XXème siècle. On a la nette impression qu'il ne s'agit que de l'ébauche d'un portrait. Même les scènes choisies pour illustrer sa vie semblent manquer singulièrement d'intérêt.
Il faut dire également que le personnage lui-même ne m'a absolument pas séduit dans son rôle faussement provocateur et à l'humeur changeante. Il faut connaître l'oeuvre de cet auteur pour apprécier les multiples clins d'oeil disséminés çà et là dans cette bd biographique. Il va mourrir d'une crise cardiaque à la projection d'un film tiré de son oeuvre "J'irai cracher sur vos tombes". Voilà le fait majeur et tout les flash-back s'accumulent comme tous les poncifs du genre. Bôf, bôf...