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ruxelles 1942. Spirou cire les bottes de l’occupant. Pas de la façon dont l’entend Fantasio, non, puisque, dès que l’occasion se présente, il joue les informateurs-radio de la résistance depuis sa chambre située dans les combles du Moustic Hôtel. Mais combien de temps pourra-t-il résister à la pression allemande ? Qu’elle ait les traits d’un colonel SS bien décidé à éliminer la menace anéantissant les bombardiers qui survolent la Belgique pour gagner Londres, ou ceux de Chickengrüber, très entreprenante Fräulein en uniforme résolue à croquer du jeune autochtone.
Le groom vert-de-gris fait partie de ces réussites qui ont les défauts de leurs qualités. Véritable déclaration d’amour à la bande dessinée franco-belge de l’âge d’or et plus encore à Bruxelles et à ses habitants, il se laisse aller à accumuler ses arguments et à les exploiter jusqu’à la limite de la saturation. Aucun temps mort dans cette aventure qui accumule les rebonds tel un marsupilami en grande forme (que les puristes se rassurent, la créature n’apparaît point ici où elle n’aurait pas sa place). Yann creuse la personnalité de ses personnages avec habileté et respect : ce Spirou a bel et bien la fibre des héros dont on ne soupçonne les talents et la détermination (ce qui lui permet de tromper et de faire tourner en bourrique les nazis). Son Fantasio est convaincant dans son rôle de farfelu égocentrique incapable de lever le voile des apparences tandis que Spip joue le petit trublion qui distille des parenthèses marquées par une pointe d’acidité. Le scénariste joue également sur d’autres cordes telles que la capacité du groom à rester stoïque face aux avances d’une walkyrie qui a le feu aux jarretelles, saupoudre le théâtre des opérations des technologies et de machines avant-gardistes pour l’époque. Il ne manque pas non plus d’introduire une bonne dose de mystère « à l’ancienne ». Sur la base de ce dernier point, comme du ton général, la tentation est d’ailleurs grande de vouloir coller une étiquette « Album Jeunesse », sans qu’il y ait évidemment à rougir de ce label.
Mais les anciens ne sont pour autant pas oubliés, ne serait-ce que par deux aspects qui s’ajoutent bien sûr au fait de suivre une fois encore Spirou et Fantasio. Et c’est sans doute là que naît l’impression de surdosage. C’est un réel plaisir de retrouver (ou de découvrir, c’est selon) un joli portrait de la capitale belge, riche de personnalités truculentes, dotées d’un verbe haut et d’un accent pénétrant. Amusant, un soupçon émouvant, mais, passé un cap, un peu lassant. De même, quelques figures incontournables inscrites au Panthéon du Neuvième Art viennent faire un peu de figuration ici et là. Un clin d’œil c’est toujours agréable, surtout lorsqu’il ne vous échappe pas – on a l’impression de ne pas être la moitié d’un érudit, mais l’abondance nuit au plaisir et c’est peut-être avec l’apparition de Radar que la limite est franchie. Sur un autre plan, le ressort de la répétition de certaines situations ou dans les dialogues est lui aussi sollicité. Jusqu’à l’abus en ce qui concerne les lapsus dont on finit par être gavé.
Par certains égards, Le groom vert-de-gris est donc trop riche. Néanmoins, il vaut indiscutablement le détour. Sans temps mort, exploitant un contexte dans lequel Yann démontre une nouvelle fois son aisance, elle défile sur un rythme effréné jusqu’aux dernières pages, si pleines qu’elles finissent par achever un lecteur repus qui demande à digérer ce qu’il vient de découvrir avant d’être capable de mesurer son degré de satisfaction. Cette profusion se retrouve également dans le dessin de Schwartz, qui a fait le bonheur des jeunes lecteurs de l’Inspecteur Bayard. Le plaisir qu’il semble avoir pris à mettre en scène cette histoire transpire de chaque page. Son trait, inévitablement inscrit dans la lignée de Chaland, fait merveille et son talent à composer des cases, parfois de grandes tailles, fourmillant de personnages et de détails tout en restant parfaitement aérées et lisibles est indiscutable.
S’il n’a pas la sobriété qui faisait le charme de l’exceptionnel Journal d’un ingénu, Le groom vert-de-gris appartient à l’appréciable catégorie des très bons divertissements.
Du plaisir à lire cette bande dessinée qui se passe à Bruxelles pendant la 2nde guerre mondiale. Un vrai support historique qui donne du réel et néanmoins une histoire plaisante. Le trait et le ton léger n'empêche pas la gravité sans la rendre pesante. Rire et grimaces. Le dessin de Schwartz est génial.
Après l'excellent "Le journal d'un ingénu" d'Émile Bravo, la pression devait être forte sur les auteurs qui avaient la lourde tâche de succéder à un tel album !
Je crois qu'on peut dire que c'est mission accomplie. Ainsi, cet album se déroule pendant la seconde mondiale, soit quelques années après celui de Bravo qui, lui, était un prélude à la guerre qui allait se déclarer. Je peux dont dire que le ton et l'ambiance de cette BD sont pratiquement les mêmes que le tome précédent.
La grosse différence pour moi entre ces deux albums, c’est probablement les personnages auxquels je me suis beaucoup moins attachés que ceux du tome 4, à l'exception de Spirou bien sûr qui lui fait montre d'un courage qu'on s'est habitué à côtoyer lors de ses différentes aventures.
Sans atteindre la qualité exceptionnelle du Journal d'un ingénu, le 5e album s'en tire très bien. Un très bon 7.5/10.
Une belle réussite que cet album. J'ai adoré l'atmosphère qu'il en ressort et du coup on rentre mieux dans l'histoire. C'est très bien écrit et dessiné.
Waouh, quelle claque. Ca m'a bien fait plaisir de retrouver le vrai Fantasio, l'inventeur fantaisiste, qu'il était avant que Gaston ne lui vole la place. Son costume, la décoration de sa voiture, tout. Il est trop zazou !! Cet album ne s'arrête pas à ça, mais Fantasio est génial dedans. Le VRAI Fantasio ! Sinon, Schwartz au dessin, j'adore. Spirou n'avait plus été représenté comme un très jeune adulte depuis bien longtemps. Ses premières histoires d'amour !! Et les références, les références ! Enormément de références présentes dans l'album (la présence de Poildur, qui d'ailleurs n'est pas un collabo, ça m'a fait bien plaisir, Quick, Flupke et l'agent de police, Jo et Zette, le docteur Müller, le cirage Blondin, et même Hergé que l'on aperçoit au marché aux puces !!) Et les grandes cases qui prennent la moitié de la planche, qui regorgent de détails, magnifiques ! Et bien sûr, l'histoire est très intéressante, avec les deux amis résistants qui se le cachent l'un à l'autre. Fantasio est trop un zazou, zou !
Le meilleur album de Spirou depuis longtemps !
Une tonne de références à l'univers Spirou de Franquin, d'autres BD (Astérix, Quick et Flupke, Jo Zette et Jocko, Tintin, Blake et Mortimer...) ainsi que le cinéma (La traversée de Paris....).
Cet album ainsi que le précédent forment un diptyque lançant les aventures d'un sacré tandem (sans oublier Spip...); et ce qu'on peut dire c'est que ça démarre sur les chapeaux de roues !!!
"Beurp" : c'est l'effet que l'on a après avoir mangé un bon repas bien consistant, la bonne recette après laquelle vous êtes bien repus. A la lecture de cet album le mot qui me vient à l'esprit ressemble plus à un "Boarp"; Une sorte de trop plein qui ne me laisse plus repus mais gavé !
L'histoire est pourtant sympathique, un peu comme une sorte de "Grande vadrouille". Il y d'ailleurs une référence à la "Traversée de Paris" qui m'a bien fait marrer.
Cependant, l'histoire principale qui voit Spirou, résistant, essayant de percer le mystère de l'arme secrète alliée est noyée par une multitude de clins d'oeil. Hé oui, le clin d'oeil est normalement censé être léger, à peine perceptible, juste repérable pour un oeil autrement novice. Ici, on parlera de flashs voire d'appels de phare. Les références à Hergé, Franquin mais aussi Buck Danny, Black et Mortimer, sont légion. Même le Brusselère est utilisé à outrance et finit par devenir un peu "casse-couille".
En gros, trop, c'est trop !
Et pourtant, l'histoire n'était pas mal, je le répète. Certaines réflexions de Fantasio sont très drôles et le coup de force des résistants est bien foutu. Mais bon, Il y avait sûrement moyen de rendre hommage à la bd belgo-belge sans pour autant faire un étalage culturel.
Pour rester dans le culinaire, le plat de départ est bon mais beaucoup trop assaisonné à mon goût !
Il y a donc, de toute évidence, derrière "Le groom Vert-de-Gris", l'idée (une fausse bonne idée, à mon avis) de capitaliser sur le coup de génie d'Emile Bravo, et de prolonger les aventures de Spirou et Fantasio "dans le monde réel", en tout cas dans un monde synchrone avec celui de leurs créateurs originels. Sauf qu'ici, Yann et Schwartz ont tout faux, et que le résultat, loin d'être stimulant et enchanteur comme "Le Journal d'un Ingénu" n'est pas loin d'être répugnant. C'est que nos "amis" sont visiblement passés à côté de l'approche conceptuelle, abstraite, nécessaire à la coexistence de personnages certes imaginaires mais au passé chargé et à la charge symbolique forte, et d'une réalité étouffante comme le nazisme et la seconde guerre mondiale. Il y a ici une erreur grave, qui est d'introduire dans la fantaisie, qui est l'essence du monde de Spirou, la cruauté et la laideur du monde de manière frontale, irréfléchie : ici on torture les résistants, on déporte les juifs, on mitraille les soldats, on baise avec les allemandes, on tond les femmes qui ont couché avec les boches, en même temps qu'on fait des blagues (vaseuses) et qu'on décline des gags (éculés). Il y a forcément un malaise dans un tel amalgame, qui manque terriblement, soit d'un vrai recul "théorique" - qui faisait la force étonnante du beau livre de Bravo -, soit au contraire d'un second degré brutal et potache (je pense au travail audacieux que fit un humoriste radical comme Vuillemin avec son "Hitler = SS"). Du coup, peu importent au final le dessin réussi de Schwartz, les références malignes à Hergé ou aux premiers albums de Spirou, toutes ces bonnes idées sombrent au milieu d'un océan de mauvais goût et d'irresponsabilité.
Nouveau one shot des aventures de Spirou et Fantasio mis en scène cette fois ci par SCWARTZ et YANN. On sent que les auteurs s'amusent avec nos héros et nos souvenirs de gosses en les faisant évoluer dans une période trouble, l'occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale. L'ambiance décalée de YANN est bien servie par les dessins et tout cela nous donnent des planches qui alternent humour et cruauté. Cet humour et les multiples références à oa BD belge nous permettent de prendre du recul par rapport au sujet traité. Un épisode très réussi bien que moins intense, à mon avis, que celui d'Emile BRAVO...
Yann et Schwartz semblent avoir repris avec talent "le journal d'un ingénu" d'Emile Bravo. Dans le Bruxelles occupé des années 40-44, nous suivons le petit groom vert-de-gris-malgré-lui travailler aux côtés de la résistance. Spirou & Fantasio, chacun de leur côté, tâchent de déjouer les plans des allemands. L'histoire pourrait être banale : les gentils contre les méchants, mais la plume des auteurs a su dépasser ce clivage et apporter à l'intrigue suspens et humour.
Un album qui se fait aussi hommage à la BD et spécialement à Hergé : je crois n'avoir pas encore repéré tous les personnages et les allusions faite à Tintin, quick et flupke, Jo Zette & Jocko... Si bien qu'on a plaisir à lire et regarder chaque vignette.
Nous voilà plongé à la fois dans le monde trouble de l'occupation, de la collaboration et de la résistance, et en même temps dans l'univers de ce petit groom tout droit sorti des 'coeurs vaillants' de la jeunesse catholique des années 40.