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ouvenirs de jeunesse… Once upon a time un brave menuisier, du nom de Gepetto, est frappé par la grâce : une bonne fée lui propose de donner vie au pantin qu’il sculpte, ce sera l’enfant qu’il n’a jamais pu avoir. Pinocchio est né. Histoire de le guider dans ses premiers pas, un grillon fera office de conscience. Ce dernier va avoir bien du travail, car les sirènes d’une vie facile et rieuse auront tôt fait de tenter son protégé, lequel va se laisser entraîner par les pires crapules vers le péché et la désillusion. C’est la fugue. Gepetto, au comble du désespoir, se lance à sa recherche. Emporté par une tempête alors qu’il traverse les mers, il sera avalé par une baleine. Dans son estomac, par un « heureux » concours de circonstances, son petit bonhomme le rejoindra. Ensemble, ils parviendront à se sortir de cette situation désespérée. La morale de cette histoire n'avait, semble-t-il, pas complètement convaincu le sieur Winshluss... Enjoy !
Que les puristes se rassurent, la trame est préservée dans ses grandes lignes. Certes, l’excroissance à géométrie variable, véritable révélateur de mensonges, ne bougera pas d’un iota. Certes Gepetto n’a pas grand chose d’un brave, si ce n’est dans l'acception railleuse du terme. Certes Pinocchio n’est pas de bois et Jiminy un cafard, mais cette adaptation quelque peu dévoyée conserve une part de sa genèse. Maintenant, Winshluss ne s’est pas cantonné à corrompre l’univers de Carlo Collodi - cela eut été petit -, mais tape avec un plaisir non dissimulé sur quelques mythes. Pour certains, il rentre franchement dans le vif du sujet (La mort ou tchi-tchi, l’honneur de Blanche Neige sera-t-il souillé ?), pour d’autres, l’interprétation et le vécu du lecteur seront sollicités pour trouver des clins d’œil appuyés (The wall avec un « Run like Hell » éructé à gorge déployée, Le roi et l’oiseau ou le culte de la personnalité, un Star wars furtif, …) et des revisites surprenantes (la parabole du fils prodigue). Bref, à la fois sans limites et tout en maîtrise, l'auteur fait preuve d’une propension remarquable à doser le contenu avec justesse : le ton est le bon et la pilule un plaisir à gober !
Mais son art ne s’arrête pas là et trouve son apothéose dans sa manière de raconter. Si l’impression de partir dans tous les sens prédomine de manière jubilatoire au démarrage, elle ne va pas sans poser la question du « et après ? ». Au risque d’en dévoiler plus qu’il n’en faut, il faut reconnaître que ce bougre de Winshluss retombe avec une belle constance sur ses deux pieds. Derrière le désordre ambiant, se cache une mécanique digne des horloges suisses. Le sens de la narration et l'agencement réfléchi du livre rendent la lecture d’une fluidité agréable au possible. Les éléments s’enchaînent avec simplicité et logique, aussi bien dans le temps qu’au sein d’une seule et même case où la poésie des tons pastels (si, si, parole !) côtoie l’abject et le drôle. Quand le naïf rencontre l'inquiétant. Mais ce bordel organisé va plus loin, Winshluss se lance dans une croisée des styles graphiques des plus appropriées, toujours avec ce sens de l’équilibre et de la pondération quant à leur utilisation, mais sans brider pour autant son imagination fabuleuse et ses délires géniaux. Il alterne ainsi, à la manière de thèmes musicaux, des atmosphères variées qui collent à la peau des personnages auxquels ils font écho. C’est ainsi que cette grosse feignasse de Jiminy écope d’un noir et blanc faussement bâclé, avec des textes et dialogues à la hauteur de tout bon branleur qui se respecte. Dans le même temps, Pinocchio, impassible et surtout robotisé, évolue dans un univers muet, dans lequel le dessinateur a déjà fait ses preuves et qui n’est pas sans rappeler à une bande dessinée d’une autre époque (il suffit de ne pas se pencher dessus de trop près). La mise en couleur, magistralement orchestrée par le compère de toujours, Cizo, et son équipe, renforce ce caractère vieillot.
Enfin, et ce n’est pas là la moindre des qualités de l'album, il convient de décerner une mention spéciale au travail effectué sur les multiples personnages qui traversent ce grand moment de BD - ils en sont les acteurs. Pas d’inutiles poseurs en guise de toile de fond, mais des anonymes qui prennent réellement vie et caractère sous le trait virtuose du sieur Winshluss, lequel n'a pas son pareil pour exacerber les sentiments et expressions de chacun. Chaque détail importe, il y a quelque chose de Franquin dans ce traitement méticuleux où rien n'est anodin. Que dire de plus, si ce n'est que Les Requins Marteaux ont fait fort en réalisant là un livre-objet tout simplement splendide, tout simplement à la hauteur du contenu. À n'en point douter, derrière cet agaçant talent, cette facilité apparente, ce sont sans nul doute des heures et des heures de labeur qui ont été nécessaires à l’auteur pour parvenir à réaliser un pareil chef d’œuvre. N'ayons pas peur des mots, c'en est résolument un.
Plaisir d’auteur, plaisir de lecteur !
Pinocchio >>> Prix du jury aux BDGest'Art 2008
Du même auteur >>> Chronique de Smart monkey
C'est suite à un conseil de mon libraire spécialisé en BD que j'ai acheté cet album. Je cherchais un objet littéraire irradié d'humour noir tout en ne délaissant pas l'histoire et bien entendu l'esthétique du dessin. Je peux dire que je ne pas été déçu. Conseil judicieux. Cette réécriture moderne de l'histoire de Pinocchio est un chef d'oeuvre. Le dessin est superbe. Le mélange d'histoires parallèles, tel des fils que l'on tisse pour faire une toile d'araignée est une réussite totale. Tout gagne en cohérence progressivement, et l'humour est corrosif à souhait. Pour les âmes sensibles s'abstenir, car il ne faut pas occulter la dureté des saillies, la violence de certaines scènes et le sérieux des thèmes abordés. C'est un bijou qui peut pourtant dérouter certains lecteurs. C'est une retranscription extrêmement fidèle de la réalité qu'il peut parfois se cacher derrière les contes pour enfants. A ne pas mettre entre les mains d'un public non averti. Cela reste un indispensable pour les fans de BD. Une œuvre majeure que j'ai pris plaisir à lire, et qui ne m'a pas laissé insensible. Je suis passé par bien des sentiments. Bonne lecture aux aventuriers littéraires qui s'y risqueront :)
J'avais très peur en empruntant cet ouvrage de ne pas l'aimer. J'ai été baigné dans la culture Disney et j'avais peur d'une dénaturation complète du mythe. Je suis bien servi ! Et pourtant, j'ai littéralement adoré. Le traitement graphique est d'une réussite sans nom et qui laisse sans voix.
On reprend donc l'histoire de Pinocchio qui devient dans cette version un robot crée par un inventeur Geppetto dont la femme est un peu nymphomane. J'ai adoré les petites histoires de Jiminy Cafard. Que dire encore de Blanche Neige et des 7 salopards? C'est bizarre mais c'est le genre d'humour que j'aime bien car il y a un sens à travers chaque situation apparemment anodine. Oui, il y a une critique en règle du monde capitaliste, de l'armée, de la religion et même des parcs d'attraction à la Disney !
Je déteste pourtant le trash. Il y a quand même des exceptions dont celle-ci fera partie. C'est drôle et intelligent à la fois. Ce Pinocchio est-il politiquement correct? Certainement pas mais c'est pour notre plus grande réjouissance.
Sur la forme, c'est visuellement une réussite. On s'aperçoit que l'auteur maîtrise différentes formes de graphisme qu'il alterne. Quant au scénario, il est d'une logique implacable tant les éléments se rejoignent. C'est fichtrement bien pensé ! Je comprends qu'on puisse considérer une telle oeuvre comme culte. En tout cas, c'est le meilleur conte moderne que j'ai pu lire jusqu'à ce jour.
Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 5/5 - Note Globale: 4.75/5
Adaptation de Pinocchio avec des clins d’œil à d'autres "contes" comme Blanche Neige ou même Superman...
L'histoire est déjantée, violente et malsaine.
L'ouvrage est découpée en scénettes et l'auteur en profite pour mélanger les genres : différents styles de dessins, NB / couleurs, paroles / muet...
Quand était sorti cet ovni, j’avais fait l’impasse dessus car je détestais à l’époque cette idée d’un palimpseste trash destiné à salir le conte immortalisé par Disney…
Évidemment j’avais tort !
Ce "Pinocchio" est une œuvre à part entière, qui n’est en rien une caricature ou une parodie ; une œuvre sombre et rare, magnifique. Qu’on y soit sensible ou pas, le travail de Winshluss est objectivement remarquable. Il invente à chaque page son propre langage graphique pour conjuguer ironie, horreur, émotion et réflexion.
Plus que la réécriture d’un conte, c’est une réécriture de notre monde que l’auteur nous livre ici. Un album trop clivant pour être indispensable mais qui reste exceptionnel.
Voilà le type d'ouvrage sur lequel je ne me serai même pas arrêté sans le coup de projecteur du festival d'Angoulême 2009. En effet, depuis quelques années, j'ai délaissé, par lassitude et souvent par déception, les bandes dessinées dites indépendantes, au profit des mainstreams.
Pourtant, ce livre est en tout point remarquable : une couverture soignée, à la Chris Ware (d'ailleurs c'est ce même festival d'Angoulême qui m'a révélé Jimmy Corrigan), un papier de grande qualité et une pagination importante, 200 pages que j'ai lues d'une traite tant Winshluss a adapté d'une façon intelligente le roman de Carlo Collodi.
Enfin, lu c'est vite dit car cette bande dessinée est quasi-muette, seules les pages consacrées à Jiminy le cafard (qui remplace le célèbre criquet) sont pourvues de dialogues. A la lecture, je ne me suis guère ennuyé, au contraire. C'est irrévérencieux (Ah ! Blanche Neige croquée par Winshluss vaut le détour !), parfois trash, quelquefois drôle mais surtout bien construit. Un scénario qui ne laisse aucune place à l'improvisation.
Winshluss a bâti une mécanique parfaitement huilée qui, jusqu'à la dernière page, nous surprend et nous enchante.
Mais plus que l'adaptation du roman éponyme de Callodi, c'est sans nul doute à celle de Walt Disney que Winshluss a songé lorsqu'il a écrit ce livre.
Il s'agit, je pense, d'un ouvrage qui plaira à tout amateur de bd, tant le récit est fort et extrêmement bien pensé.
Un livre incontournable qui mérite d'être lu et surtout relu.
Faut s'le faire, ce Pinocchio version underground... mais on ne regrette pas d'avoir pris son courage à 2 mains.
Bon, de là à recevoir le grand prix d'Angoulême..
Voilà une BD pour laquelle on a envie de laisser un avis! Tant pis pour ceux (rares je crois) qui n'ont pas compris ;) Sur le papier, c'est vrai que le nez en sextoy ça peut sembler gratuitement graveleux et vulgaire, mais à la lecture, le tout est si bien amené et l'ambiance tellement réusie qu'on en redemande. La structure du récit est tout simplement géniale, à l'image des dessins qui collent parfaitement à la vision trash de l'auteur. Une BD qui rentre directement dans mon top 20!
J’ai adoré ce Pinocchio version trash (âmes sensibles s’abstenir). Ici le monde décrit par Winshluss est vraiment sombre et ironique mais ce qui m’a énormément frappé, c’est cette façon de raconter l’histoire sans utiliser de dialogue ou de narration (sauf quelques passages comme ceux de Jiminy le cafard ou peut-être le flic). Je trouve qu’il y a énormément de talent dans cette bédé ; que ce soit le style de dessin (colorisation comprise) ou la façon de raconter ou le fond de l’histoire, c’est un petit chef-d’œuvre.
Bravo à Winschluss pour cette adaptation sordide de Pinocchio dont nous avons tous une idée préparée par Walt Disney.
Là, du noir, des méchants et du pas beau.
Mais c'est un bon moment que ce Pinocchio, créature de Frankenstein-Gepetto.
Et bien mes cochons, quelle claque, mais quelle claque !!
Tout simplement EX-CE-LL-ENT !!
Certains verront ce livre comme une hérésie à l’œuvre originale de Disney, moi j’y vois du pur génie.
Noir, glauque, ironique, chaotique, immoral, pessimiste, désabusé mais aussi terriblement jouissif, rafraîchissant, poétique et réaliste d’un autre côté. Voilà les mots qui qualifient au mieux ce chef-d’œuvre.
Vision cruelle du monde, critique de la société, dureté de la vie, philosophie de comptoir...tout y passe et avec maestria (on n'est pas loin de la vérité malheureusement)
Certains passages avec Jiminy Cafard sont à se tordre de rire et je suis parfois resté longtemps à contempler certaines planches et savourer le moindre détail, les couleurs…On est souvent proche de la virtuosité tant au niveau graphique que de la narration quasi muette.
Quelle talent ce Winshluss !
Foncez l'acheter, un album ainsi, on en lit pas tous les jours (prix du meilleur album Angoulême 2009)
L’année 2014 vient de commencer mais il y a beaucoup de chance pour que cette lecture reste la number one pour toute cette année.
Incontournable !
Winshluss revisite avec brio le conte de PINOCCHIO en teintant cette histoire de cynisme et d'humour noir. Certaines scènes sont vraiment hilarantes (celles mettant en scène Jiminy le cafard notamment, mais pas que) alors que d'autres, grâce à un dessin superbe, sont très marquantes (je pense notamment à la page où Pinocchio se retrouve pendu à un sucre d'orge sur l'île enchantée, qui est pour moi l'image la plus forte de l'album).
Un PINOCCHIO très irrévérencieux dessiné avec maestria et une histoire muette où les différentes scènes s'enchaînent pour s'imbriquer finalement de manière magistrale : ne serait-ce pas là ce qu'on appelle un chef d'oeuvre ?
Pinocchio victime d’un auteur angoissé
Voilà une version malmenée voire salie du conte pour enfants que nous connaissons tous. Ici, Pinnochio est de fer et Jiminy est un cafard. Le ton est donné ; la poésie fait place à la désillusion.
L’auteur nous propose de suivre les mésaventures d’un Pinnochcio égaré dans un monde triste et sans moral. Un récit dans lequel il use et abuse des provocations que je trouve sans intérêt : blanche-neige saute dans le ravin, les 7 nains sont de gros vicelards, les enfants se transforment en loups-garou et le nez de Pinocchio est utilisé comme sex-toy !
L’effet narratif est explicite avec cette dualité représentée par Jiminy et Pinnochio : la conscience et le corps, la parole et le geste, le noir et blanc et la couleur, … Mais franchement l’aspect provocateur du récit n’a pour moi que très peu de sens et discrédite le message.
Monsieur Winchuss, la vie n’est pas aussi noire que vous semblez le penser !
Graphiquement, le dessin nous offre du bon comme du mauvais. Le travail est très inventif et certaines planches sont très jolies notamment une couverture séduisante. Mais le niveau moyen du dessin m’a semblé assez faible au vue des éloges que l’album a reçus.
Bref, je ne comprends pas.
http://bdsulli.wordpress.com/
C'est une oeuvre assez impressionnante que réalise Winshluss avec son Pinocchio, difficile d'accès, certes, mais d'une rare qualité. Ce qui marque en premier lieu, c'est la diversité graphique : l'auteur passe d'un style à un autre selon les pans de l'histoire qu'il raconte, et à chaque fois le style choisi correspond à merveille au personnage sur lequel le récit se concentre. Il faut dire que ça part dans tous les sens et, à chaque instant, on a peur que ça dérape, que l'ensemble perde en cohérence. Or ce n'est jamais le cas, et le livre se referme après avoir apporté une réponse à toutes les questions et clôturé toutes les histoires parallèles. De ce point de vue, la construction est parfaite. Pour le reste, l'adaptation de l'histoire de Pinocchio est vraiment très très libre, et c'est tout l'intérêt. Certains passages peuvent paraître dérangeants, avec la volonté de l'auteur de détourner certains mythes, mais rien n'est jamais gratuit. En fin de compte, un album véritablement indispensable dont le succès critique est loin d'être usurpé.
Exceptionnel, un album comme on en voit très rarement.
Pas de bulles, totalement superflu lorsque l'on découvre la virtuosité de la narration muète et la dynamique des situations.
De plus l'album est superbe, du très très beau travail d'édition.
Pinocchio est une oeuvre émouvante et bouleversante, qui dépeint la fragilité dans un monde dur, sombre et cruel. On touche à l'imaginaire enfantin là où ça fait mal, on est forcément pris aux tripes. Le monde de Pinocchio ressemble à notre monde, à son désespoir, à la difficulté d'y trouver asile et réconfort. C'est le regard de l'innocence dans une confrontation directe et brutale avec la bestialité la plus affligeante. Ce monde, qui n'offre aucun havre de paix, est en mouvement permanent, le mouvement d'une descente aux enfers. Comme par compensation, la victime prend courage dans une forme d'humour pathétique et sublime. On dépasse le mélodrame pour atteindre une sorte de jubilation improbable, presque inconsciente, celle d'une poésie visuelle qui cherche l'espoir dans son propre renouvellement au fil des pages. Il en émane une énergie et un enthousiasme surprenants. Y aurait-il plus d'humanité dans le regard d'un robot?
Excellent album, le mythe de pinocchio et de blanche neige parodié comme jamais avec un scénario diabolique où toutes les histoires forment un immense puzzle.De plus la maitrise graphique de cette album est fabuleuse alternant couleur et noir et blanc avec beaucoup de réussite, pour moi l'un des meilleurs albums de l'année 2008
Cet album constitue une excellente oeuvre, d'une densité peu commune, un véritable agglomérat de provocation et de subversivité qui écorche un grand nombre de nos héros de contes (ceux de Pinocchio mais aussi par exemple ceux de Blanche Neige etc.).
L'auteur multiplie les styles graphiques avec brio tout en réussissant à composer un ensemble cohérent et nous livre, à mon sens, une indispensable bd.