« L’idéal c’est de se perdre avec nonchalance », déclare le promeneur anonyme de Masayuki Kusumi (Le Gourmet solitaire) et Jirô Taniguchi (La Montagne Magique, Quartier Lointain, Un ciel radieux, Le Sauveteur, ...). Et en effet, chacune de ses sorties, quel qu’en soit l’objectif originel, se transforme en flânerie au gré des rues, des échoppes et des maisons.
A la croisée entre L’Homme qui marche et Le Gourmet Solitaire, Le Promeneur invite à une balade à travers un Tokyo insolite et inattendu que même le héros voit sous un nouvel angle. On peut se dire qu’il ne se passe rien dans cet album contemplatif où l’action se réduit à la marche, à l’attirance subite du guide pour tel ou tel élément. Cependant l’ensemble des huit promenades fourmille de (re)découvertes et de détails riches de sens et d’authenticité. Aller à la recherche d’un vélo volé se mue en exploration d’un quartier couronnée par l’achat d’une ampoule Edison. De même la sortie d’une réunion improductive dans un gratte-ciel hight-tech se termine par un arrêt dans une zone ancienne et l’acquisition de socques. Muser à travers la ville devient l’occasion de rencontres lors d’un festival hippie, de retrouvailles au hasard d’un magasin, de chinage chez un bouquiniste, mais aussi de réflexions et de plongée dans des souvenirs nostalgiques. Accompagnant ses errances, le trait de Jirô Taniguchi conserve le réalisme empreint d’une certaine poésie qu’on lui connaît. Par des expressions, des détails dans les paysages, il transmet parfaitement l’idée de lâcher prise, de s’évader du quotidien et de profiter pleinement d’une balade impromptue. A noter qu’à l’instar de La Montagne Magique, les éditions Casterman ont choisi de publier cet album en format BD classique et en sens de lecture occidental. Si l’intérêt commercial est évident pour attirer le public franco-belge peu accoutumé aux mangas, les lecteurs de titres nippons y perdent le charme du sens original et de la taille habituelle, d’autant que l’utilisation d’un papier glacé très lisse ôte une partie de la force du graphisme.
Le Promeneur est une agréable invitation à l'évasion et aux petites escapades sans but précis.
Je ne peux pas passer décemment à côté d'une des oeuvres de l'un de mes auteurs préférés à savoir Jirô Taniguchi. Ce promeneur est la parfaite synthèse entre L'Homme qui marche et Le Gourmet solitaire comme Un ciel radieux était le mélange du Quartier lointain avec Le Journal de mon père.
Et oui, on a réellement l'impression que Jirô n'arrive plus à se renouveler après nous avoir donné tout ces beaux chefs d'oeuvre. Du coup, je mesure et comprends parfaitement la déception de son lectorat. Bon, le grand maître a une bonne excuse : il n'est pas aux commandes du scénario. Il n'empêche...
Pourtant, le promeneur sans avoir le niveau de ces précédentes productions n'en demeure pas moins très intéressant à la lecture. Comparé aux productions actuelles, c'est plutôt réussi. Bien sûr, le crédo est celui de la contemplation, de la poésie et de la nostalgie avec le temps qui s'écoule. Il n'y a pas de méchant, d'intrigue ou d'action. Seulement des ballades pour déstresser un peu dans ce monde de brutes. On suivra toutes ces huit promenades avec plaisir en goûtant ici ou là de délicieux mets. Un mot sur le graphisme toujours aussi fin et précis pour notre plus grand bonheur.
Vous allez sans doute rire... J'ai terminé hier soir la lecture du promeneur qui distillait une philosophie de découverte de quartier en se prenant le temps. Or, qui a encore le temps de se balader de nos jours quand on est plongé dans une vie active avec toutes les responsabilités familiales et professionnelles ? Je me suis donné les moyens de faire une très longue ballade aujourd'hui (non pas pour les soldes !) sans doute influencé par cette lecture onirique.
Jiro Taniguchi a le don de transformer toutes ces petites choses banales en véritable art de vivre. Je ne peux que succomber. L'idéal n'est 'il pas de se perdre avec nonchalance ?
En une succession de petites touches successives, le promeneur fait l'apologie de la lenteur en contraste avec l'image de frénésie et de vitesse qui est associée au Tokyo actuel.
Un vrai Taniguchi porteur de nostalgie et de douceur. A lire si on veut voir le Japon autrement qu'à travers ses Mangas.