Je suis Tunny Head, le défourailleur, héros barbare, faiseur de veuves, et encore : même elles je les bute. Je possède le flingue le plus amorti de la bande-dessinée. Une page, un meurtre, tel est mon lot. La prophétie dit : « Tu ne tueras point celui à qui, en premier, ta terrible destinée tu révèleras ». Je t’épargnerai donc… mais je me pince les couilles.
Un chroniqueur a des responsabilités. Son devoir est de parler, il ne veut être complice. Il se doit de faire face et de dénoncer les exactions, la tourbe malfaisante des vrais coupables. Cette souillure que les éditions 12bis ont désormais sur la joue, la plus ineffaçable des tâches, la marque de l’infamie. Comment ont-ils pu exhumer celui-que-l’-on-ne-peut-pas-nommer, l’ennemi public numéro 1 de la bande dessinée « wanted dead or dead » ?
Mais il s’agit de rappeler les faits, de faire preuve de courage et de faire fi des balles perdues. Brute épaisse décérébrée, Tunny Head sévissait dans les pages de revues douteuses au contenu suspect (Tank Girl, Cybersix, Bloodline...) : Gotham puis Golem où il avait naturellement pris ses marques et la rédaction en otage. Difficile, il faut l’avouer, de discuter avec une montagne de muscles arborant le décompte de ses victimes sur le front, un sourire mauvais et un desert eagle braqué négligemment sur votre bas-ventre. Cet esthète de la violence gratuite était du genre taiseux, de celui qui, en revanche, sait faire parler les flingues et cabrer les chevaux de sa bécane ou de sa Mustang. Porté par ce héros atypique, Fane (Joe Bar Team, Petites éclipses) s’en donnait à cœur joie, renouant de la sorte avec cet esprit immoral que la Mère Supérieure lui connaissait : motard et fanzineux. Il y exploitait, au noir et au feutre, tous les genres de la bande-dessinée pour mieux en dézinguer les codes si ce n’est un animateur innocent aux lunettes noires, un bête chasseur du dimanche licencié à la NRA ou un boys band en goguette. Surtout, se laissait-il aller à quelques penchants peu recommandables : fins bâclées, onomatopées bruyantes, scénarios capillotractés et/ou partis en capilotade, humour à tout le moins approximatif. Au rang des barbaries engendrées par ce Hell’s Angel et son diable de complice, il faut faire mention de Deskoä Kestudi, dite « La manga », et de ses penchants assumés pour le massacre, mais aussi du Marshall, ce sinistre représentant d’un ordre maudit de rangers bas-du-front. Aussi, au nom des victimes, de l’homme à la gapette, il faut se détourner de cet ouvrage abêtissant où la jeunesse pourrait puiser un soutien néfaste. Rappelez-vous du rock ‘n roll ! Nonobstant…euh… plaît-il ? Monsieur, je vous en prie, cachez cette pétoire que je ne saurais voir !
KPOW.
Bruit de pétarade.
Un refrain fredonné : « Bad to ze bone ! Tin lin lin lin lin ! ».
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