L
a frontière entre humain et super-héros est floue et Holden Carver semble justement se situer à mi-chemin de l'un et l'autre. Particularité ? Il ne ressent plus la douleur mais l’emmagasine et peut ensuite la délivrer à qui le mérite. Travaillant pour une officine mystérieuse supposée du côté des « justes », Carver a infiltré l’organisation criminelle de Tao. Tout ça reste très subjectif, d’autant que dans les deux cas, la fin justifie moyens comme les dommages collatéraux. Les paris sont ouverts, rien ne va plus et c'est notre monde qui est en jeu. Alors que Carver progresse dans la hiérarchie de son nouvel « employeur » avec un partenaire qui répond au doux nom de Génocide, il s’avère que son unique contact auprès de ses vrais commanditaires se retrouve plongé dans le coma…
Cette série a été initiée aux Etats-Unis avant que le duo, Brubaker (scénario) et Phillips (dessin) ne commence à se faire une belle réputation en Europe grâce à Criminal. Dans ce premier tome intitulé Seul contre tous, au-delà d’un décor de fond sur lequel il ne faut sans doute pas trop se poser de questions, mais est-ce l’objet, les auteurs se penchent sur les interrogations qui peuvent assaillir leur personnage principal, lâché dans un territoire incertain. Cet aspect psychologique est assez bien incarné par une couverture plus explicite qu’esthétique où un homme seul est aux mains de forces qui le dépassent. Que les amateurs de violence gratuite ne s’inquiètent pas pour autant, elle est aussi au menu. En effet, s’imposer dans ce milieu nécessite de faire ses preuves et d'user de ses talents cachés. Un lot d’effets spéciaux graphiques, avec une mise en couleurs à l’avenant, est tout spécialement dédié à cet amusement. En ajoutant une touche féminine avec une Miss Misery, aussi ambigüe qu’allumeuse, le tableau est complet.
Si la mise en place des éléments peut déconcerter, celle-ci, une fois achevée, permet de se laisser captiver par cette intrigue aussi rythmée que barrée. Le dessin s'inscrit dans cette dynamique, même s’il n'offre pas encore la maîtrise de celui de Criminal. Comme il est de coutume dans les recueils qui franchissent l’Atlantique, la galerie des couvertures originales est dispatchée en ouverture de chapitre. Seul contre tous se ferme sur un imprévu pour l’ami Carver, un peu comme si les emmerdes à venir donnaient un goût de simple amuse-gueule à celles passées. Tout un programme qui se jouera dans All false moves.
En bon classique du genre, Sleeper devrait combler les amateurs de super-héros ancrés dans la réalité, avec tout ce que cela implique comme questions existentielles. Mais point trop n’en faut, la baston est comprise dans le paquetage.
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