Un jour par siècle, la Mort prend forme humaine pour mieux comprendre la vie qu'elle spolie et goûter à l'amertume de la mortalité. C'est le prix à payer pour être celle qui sépare les vivants de tout ce qui a été et de tout ce qui sera.
Telle est la règle et Death s'y plie de bonne grâce. Elle se retrouve donc, sous les traits d'une belle jeune femme au teint pâle et à l'air énigmatique, dans l'Amérique du XXe siècle. Le monde qu'elle découvre, dans ce pays en proie au Délire et en manque de repères, lancé à toute allure dans une économie qui génère autant de profits que de laissés pour compte, est celui de Sexton Furnival, un adolescent comme beaucoup d'autres. Mal dans sa peau, en mal d'équilibre au sein d'une famille décomposée, mal aimé des jeunes de son âge, il ne voit qu'une issue, le suicide comme ultime remède à l'ennui et à l'absence d'idéal.
À ce moment précis intervient sa rencontre avec la Mort, non pas celle qu'il imaginait, froide et cruelle, mais celle qui a trop côtoyé le Rêve pour ignorer le cœur des hommes. Car Death, alias Didi, n'est pas un ankou ténébreux qui glace d'effroi les pauvres mortels qui croisent sa route, elle est une demoiselle pleine de vie qui pose un regard tendre, innocent, sur l'homme et son Destin. Personnage secondaire de la série Sandman, elle est ici au centre des débats : son arrivée sur Terre n'est pas sans susciter des convoitises, surtout dans une nation, l'Amérique, qui n'a pas renoncé aux vieilles croyances.
Derrière une intrigue qui ne fait pas de l'action son atout majeur, Neil Gaiman peint donc, avec la classe qu'on lui connaît, un portrait au vitriol d'un monde en pleine décrépitude. Pour le mettre en images, Chris Bachalo et Mark Buckingham arborent un style réaliste et très noir. Ils instillent d'emblée une ambiance de Destruction et de Désespoir, comme pour mieux trancher avec le caractère enlevé, détaché, de cette faucheuse si attirante.
Bien plus qu'une introduction à l'univers de Sandman, bien plus qu'une simple série parallèle, Death est une œuvre à part entière, belle et envoûtante. C'est aussi, pour ceux qui ont le Désir de croire en la vie, une invitation à attendre sereinement, en profitant pleinement de chaque instant, que se termine notre passage ici-bas.
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