V
enise au temps des doges. La peste fait des ravages parmi la population et n'épargne personne, pas même les plus riches. Les compétences de Pelligrini, éminent apothicaire, sont malheureusement insuffisantes pour venir à bout de ce fléau. L'espoir renaît avec l'apparition d'un étrange navire fantôme aux abords de la cité lacustre. Message divin ou cadeau empoisonné ? A son bord se trouve peut-être le remède miracle capable de mettre fin à des années de malheur. Un remède qui suscite bien évidemment des convoitises et qui place chacun devant ses responsabilités. Qui faut-il sauver ?
Pour le premier tome de Deus, Christophe Bec a réuni deux de ses anciens partenaires, à savoir Paolo Mottura (Carême) pour le dessin et Stéphane Betbeder (Anna) pour le scénario. Une association gagnante ?
Oui, pour l'esthétisme de l'album. L'auteur italien s'est approprié magistralement l'univers si particulier de Venise. Il propose une véritable immersion dans la cité rongée par la peste : une place Saint Marc majestueuse avec, au loin, la basilique semblant sortir de terre et des décors particulièrement réussis mettant en valeur l'architecture et son style byzantin. Quelques planches pleine page, superbes, viennent compléter un tableau réalisé de main de maître. Les visages de certains personnages expriment la souffrance, tandis que d'autres traduisent l'ambition démesurée et la cupidité. Peut-être pourrait-on regretter un certain manque de réalisme dans la représentation de quelques protagonistes, contraste embarrassant avec la noirceur du thème. Quant aux couleurs, aux tons pastel, elles finissent de mettre en valeur un graphisme irréprochable.
Concernant l'histoire proprement dite, l'impression est beaucoup plus mitigée. Il est certes louable de s'atteler à décrire le quotidien d'une ville mythique consumée par la peste, d'y incorporer une dimension religieuse très présente à l'époque, ou encore d'évoquer à demi-mot une haine naissante du peuple juif, accusé, déjà, de tous les maux. Que penser, en revanche, de la sempiternelle "découverte qui risque de bouleverser les fondements de l'église catholique", de l'homme voulant ressusciter celle qu'il aime, prologue sans surprise du concept de l'immortalité, ou du chancelier des secrets, représentant l'archétype du méchant de service ? Que dire aussi de certains dialogues, emphatiques, frisant parfois le ridicule ? Et d'une narration dont quelques ellipses déroutent complètement le lecteur ?
L'homme nouveau, premier volet du diptyque, séduira par la beauté de son dessin mais risquera de décevoir par un scénario, qui, à trop vouloir mélanger les genres, propose un récit confus et superficiel. Un bel écrin, en quelque sorte, dont les charmes seront peut-être révélés lors de la sortie du dernier tome.
Venise est touchée par la peste. Une étrange créature est découverte qui met à mal la doctrine catholique et pourrait entrouvrir les portes de l'immortalité. Une bande-dessinée pas désagréable à lire mais un peu confuse, que ce soit au niveau des dessins que de l'intrigue.