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ohn Dortmunder est un as de la cambriole mais il joue de malchance. Déjà poissard comme pas deux, il faut bien avouer qu’Andy Kelp, son vieux complice, a le chic pour le fourrer dans les embrouilles. Mais quand on n’a pas le sou, il faut bien se lancer alors même que le prochain coup s’annonce des plus tordus. Cette fois, il s’agit d’un caillou – un gros – qu’il s’agit de récupérer, à l’occasion d’une exposition d’art à New York, pour le compte d’une sombre dictature africaine. Dortmunder fait appel à ses meilleurs gars, de Roger Chefwick, l’artiste de la chignole et de la pince-monseigneur à Stan Murch, le pro du volant, en passant par Alan Greenwood, le bellâtre de service. Le plan s’annonçait sans accroc et l’équipe prête à s’offrir la tournée des grands ducs. D’ailleurs, tout avait plutôt bien commencé… jusqu’au déclenchement de l’alarme du musée et la flicaille de débouler ! Dans la débandade, Greenwood panique et a tout juste le temps d’avaler l’émeraude avant de se faire serrer. Le client s’impatiente et Dort’ va devoir se creuser les méninges s’il veut toucher le pactole… Pierre qui roule n’amasse pas mousse !
Christian Lax adaptant Donald Westlake, l’affiche était de qualité tant le tandem s’annonçait à la mesure de l’ambition de la nouvelle collection Rivages/Casterman/Noir : publier le meilleur du polar en y associant des pointures de la bande dessinée. Lax partage avec Westlake ce goût pour l’humour noir et parodique, les paumés lumineux forts en gueule, les héros débraillés et pittoresques, quitte à leur sacrifier un scénario accessoire, simple prétexte à l’analyse du contexte social. Ce que doit par exemple le Choucas à la Série noire est évident et la publication de la série, en intégrale et en noir et blanc, dans un format proche du roman la rapprochait déjà de la littérature policière dont elle prétendait s’inspirer. Christian Lax a fait sienne l’antienne de Jean-Patrick Manchette : « Le bon roman noir est un roman social, un roman de critique sociale, qui prend pour anecdote des histoires de crimes ». Pierre qui roule est ainsi mené tambour battant. Les dialogues sont enlevés, pleins de gouaille, inventifs et drôles. Le rythme est effréné et les péripéties s’enchaînent de manière désinvolte, rocambolesque, et sans souci de réalisme. C’est sans doute sur ce point que l’album achoppe. A multiplier rebondissements farfelus et situations invraisemblables, l’histoire perd en relief et l’intrigue, déjà peu élaborée, en devient un brin lassante et répétitive.
Il reste ce dessin toujours aussi vif, un découpage dynamique et un choix de couleurs retranscrivant parfaitement l’ambiance sombre et poisseuse du New York de la fin des années soixante. Loin des teintes ocres, chaudes et lumineuses de la dernière livraison des tribulations de son cher détective (La brousse ou la vie), Lax renoue paradoxalement avec la grisaille des premiers opus du Choucas. Surtout, fait-il montre de l’étendue de son talent de graphiste. Le fond des planches est passé à la brosse pour leur donner une profondeur irrégulière. Le trait est parfois réalisé au pinceau, parfois à la plume et les couleurs semblent avoir été par endroit frottées si ce n'est grattées. Les scories, les petites aspérités qui en résultent, sont du plus bel effet.
Cette adaptation du premier épisode des (més)aventures de Dortmunder laisse alors comme un soupçon d’inachevé. La faute à un trop-plein d’affinités entre les deux auteurs au risque de la confusion des talents au détriment de leur sublimation ? A moins qu'il ne s'agisse de la conjonction du choix d'un roman peu judicieux et d'auteurs en petite forme ? La relecture de Pauvres z'héros apporte un début de réponse. La connivence entre Pierre Pelot et Baru y est manifeste et s'impose à ce jour, aux côtés de Shutter Island, comme l'une des réussites de la collection Rivages/Casterman/Noir.
>>> Lire aussi la chronique de Pauvres z'héros .
Une bande de malfrats organise le vol d'une émeraude pour le compte d'un régime africain. Cependant, cette opération va se transformer en une multitude de braquages : prison, banque, commissariat, asile d'aliéné...
Une belle adaptation pour ce scénario rocambolesque.
Lax qui adapte Westlake, c'est un peu la dream team polaro-BD :wink:. Nous suivons les (més-)aventures de John Dortmunder, cambrioleur jamais à court d'idée, sur la piste d'une émeraude aussi évasive que convoitée... De chapitre en chapitre, l'équipe de Dortmunder, mandatée par le Major Iko, se retrouve à monter un nouveau coup pour mettre enfin la main sur le fameux caillou. Les rebondissements sont nombreux, cocasses et la cambriole osée.
Graphiquement Lax est au top et nous propose un travail très poussé (acrylique, couleurs directes et textures travaillées aux couteau et à la brosse) presque trop dense pour le format. Ce traitement rend le New-York de Lax grouillant et presque vivant.
Malgré tout cet album me laisse un petit goût d'inachevé, les chapitres (appelée phase) et donc les "coups" de Dortmunder se succèdent un peu trop rapidement, presque machinalement : phase I, rencontre avec Iko, montage du coup, plantage du coup, phase II rencontre avec Iko, montage du coup, etc. Quelques passages de transition n'auraient pas de trop pour donner un peu de respiration au récit.
Pierre qui roule reste une bonne BD de polar, le traitement graphique et l'histoire sont très bons : humour, action et rebondissements. Il ne lui manque pas grand chose (plus de pages, un plus grand format) pour qu'elle ne soit une grande BD tout court.