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raqué par les intégristes depuis sa soudaine réapparition, Merwan Khadder, un jeune musulman dont les penchants extrémistes ont été remis en cause par la découverte de Nahik et de son décalogue, ne doit son salut qu'à l'intervention de plusieurs hommes armés. Ceux-ci l'arrachent aux mains de ses poursuivants et l'emmènent au Vatican, où il devra jouer un rôle dont, pour l'heure, il ne sait rien. Cloîtré dans sa chambre, il n'a d'autre choix, pour tromper le temps, que de se replonger dans les mémoires de Halid Riza, le célèbre écrivain sur qui pesait une fatwa que notre héros avait alors exécutée avant de regretter amèrement son geste.
La correspondance de l'infortuné auteur de La dernière sourate, une œuvre de fiction qui aura finalement signé son arrêt de mort, relate sa découverte de la vérité et son périple jusque dans les sables de Kom-Ombo, à la recherche de l'ultime preuve de l'authenticité des préceptes mis en pratique par les Vrais Croyants, une secte dissidente de l'Islam fondée à l'époque de la Vulgate d'Uthman. On y retrouve deux personnages qui étaient apparus dans le troisième tome de la série mère, Le Décalogue : Farag Idriss et Shelley McGuire, tous deux spécialistes de l'Histoire de la religion musulmane.
Il va sans dire que la lecture de la saga dans sa globalité est plus que jamais indispensable à la compréhension de cette série dérivée. Le Légataire nous plonge ainsi dans un thriller contemporain, dans le genre très à la mode de l'ésotérisme de fiction, tout en conservant un caractère historique grâce aux nombreux sauts dans le temps effectués au cours des trois premiers tomes. Toujours aux commandes de l'ensemble, Frank Giroud réalise donc ici le mélange des genres qui faisait déjà la marque du Décalogue, celui-ci étant basé sur une ligne du temps allant de l'an 652 à nos jours. Outre à démontrer l'aptitude de ce scénariste de renom à exceller dans des styles très différents, cette ambition lui permet de créer un grand nombre de personnages qui se déplacent dans un univers apparemment sans fin. La cohérence de l'ensemble, malgré la complexité de la construction et la multiplication des intrigues, est pour le moment inattaquable. Quant à savoir s'il fallait réellement en remettre une couche, quitte à délayer l'histoire ou à perdre quelques lecteurs en cours de route, au lieu de laisser une plus grande part de mystère en proie à l'imagination du public, c'est une question qui sera laissée à l'appréciation de chacun. Ce choix n'est en tout cas pas sans rappeler le florilège de séries dérivées développées en son temps par Patrick Cothias autour de Masquerouge et des Sept vies de l'épervier.
Le propos de cette nouvelle aventure centrée sur le personnage de Merwan n'est pas à proprement parler la religion musulmane mais bien sa pratique et l'application concrète de ses dogmes dans le monde moderne. Entre le respect à la lettre du texte coranique et une plus libre interprétation, chacun cherche sa propre voie, son juste milieu qui soit en phase avec sa conception de la société et du rapport entre les hommes. Le scénario ne s'apparente ainsi pas à une condamnation aveugle de l'extrémisme mais tente au contraire de comprendre les motivations de chaque intervenant, loin de tout manichéisme. Par les différentes tentatives, au cours des siècles, de répandre une bonne nouvelle qui serait loin de faire l'unanimité dans les cercles partisans, l'auteur insiste également sur un certain immobilisme dans lequel s'empêtre l'Histoire humaine : les sociétés se succèdent, tout comme les dirigeants, mais les mentalités peinent à suivre le chemin de l'évolution. D'où une éternelle remise à plus tard de la grande révélation.
A cet égard, concernant la suite qui sera donnée dans cette histoire qui, rappelons-le, reste avant tout une fiction, à cette nouvelle découverte des derniers écrits du prophète, le scénariste reste avare en indices. Alors que le premier tome, sûrement le moins passionnant de tous, s'évertuait à remettre en place certains détails et à se faire rencontrer certains personnages, le deuxième se concentrait quasi exclusivement sur une vieille histoire se déroulant après la mort de Mahomet. Ce nouvel album, s'il ne remonte pas si loin dans le temps, est tout de même en majeure partie composé d'un flash-back certes passionnant mais qui ne fait pas avancer l'intrigue principale. A la fin de ce troisième tome, le lecteur semble en possession de toutes les informations nécessaires sur le passé des protagonistes : toutes les cartes sont redistribuées et il restera deux ultimes albums à Frank Giroud pour mettre un terme satisfaisant à son intrigue contemporaine. Ce n'est qu'à ce moment que nous pourrons statuer sur l'intérêt que représente cet ajout à une série qui semblait se suffire à elle-même. Pour l'instant, le scénariste et maître d'œuvre de cette fantastique saga, qui remonte aux sources d'une des religions les plus influentes qui aient jamais vu le jour sur Terre, parvient à combiner avec talent ses intérêts d'auteur à succès et ses aspirations artistiques.
Autre différence notable par rapport à la série principale, l'abandon de la formule multi-dessinateurs : l'ensemble est confié au duo Joseph Béhé – Camille Meyer de manière à rendre la série homogène. On aurait pu imaginer un fonctionnement calqué sur celui du Triangle Secret, autre succès des éditions Glénat auquel Le Décalogue est souvent associé, qui consistait à confier à des dessinateurs différents la réalisation graphique d'une époque bien déterminée, parfois au sein d'un même album. Si la solution retenue pour Le Légataire a l'avantage d'une plus grande uniformité, elle souffre d'un inconvénient majeur, celui de voir un même personnage représenté par plusieurs auteurs. Pour certains, la transition se fait sans encombres. Pour d'autres, la ressemblance ne saute pas forcément aux yeux.
Tant qu'à aborder la partie graphique de ce nouveau cycle prévu en cinq tomes, il faut bien reconnaître qu'elle n'est pas son point fort. Le dessin n'est certes pas un obstacle à la lecture, loin s'en faut, mais il souffre de la comparaison avec d'autres albums du même univers. Il est par exemple loin de l'excellence d'un Daniel Hulet sur le deuxième volume de l'autre série dérivée créée par Frank Giroud, Les Fleury-Nadal, malgré une réelle amélioration depuis un premier tome qui manquait de finition. Certains passages, qui avaient déjà été illustrés par Franz dans le tome 10 du Décalogue, sont ainsi révélateurs de ce problème. Mais après tout, peu importe : le récit haletant et la maquette soignée du Légataire font que cette série ne dépareille pas dans la collection. Il ne reste plus qu'à espérer un final à la hauteur d'un suspense savamment entretenu par un scénariste passé maître dans l'art de rendre ses lecteurs fous d'impatience. Après la fin en demi-teinte de Quintett, une autre de ses productions où tout se basait sur une révélation finale sans cesse repoussée, ceux-ci risqueront toutefois de se montrer très exigeants.
Dans la même série :
Le Légataire T1
Le Légataire T2
Enfermé dans une pièce du Vatican, Merwan n'a d'autres ressources que de lire le manuscrit qu'Halid Riza.
Il y a dans cette histoire un petit côté "patient anglais" qui n'échappera à personne et qui renforce la qualité de l'intrigue. Cela étant il faut bien reconnaître que si elle n'est pas complètement indispensable, la lecture du "Décalogue" est fortement conseillée car l'album fait appel à de nombreux élements de cette précédente série.
Quoiqu'il en soit ce Légataire là est une superbe histoire, l'une des meilleure et des plus originale de ces dernières années.
Merwan enfermé au Vatican continue de lire les lettres d'Halid et donc nous suivons l'histoire de celui-ci, sa découverte de la dernière sourate, et son histoire d'amour tragique.
Ce tome éclaire beaucoup de points de l'histoire de Nahik et est pleins de rebondissements mais grâce au résumé du début, on arrive à comprendre facilement.
Un bon moment de lecture donc et même si on arrive pas au niveau du décalogue, ce spin-off en est un bon complément.
A lire donc.