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rois naissances et déjà autant de destins qui semblent tracés. Chloé atterrit en catastrophe au service des urgences, Leïla pousse son premier cri à domicile, dans le bled, et Agnès sort à peine de la maternité, qu’elle se retrouve dans les bras d’une nourrice, ce qui permettra ainsi à sa mère de se réaliser en tant que femme du XXIème siècle. Malgré tout ce qui semble devoir les séparer, les trois filles seront appelées à se rencontrer. Une amitié se tisse au fil des années.
Pour ce qui semble prendre le chemin d’une chronique sociale, Emmanuel Lepage a adopté un style en phase avec ce type de récit. Sans revenir à l’époque de Névé, si Oh les filles ! conserve les stigmates des évolutions graphiques amorcées avec Muchacho et La terre sans mal, notamment en termes d’éclairage, il est de manière évidente moins fourni en détails. Par ailleurs, il est étonnant de constater que le rendu des couleurs est par bien des aspects semblable à celui obtenu par Laurent Hirn dans Le sourire du clown, bande dessinée tout autant axée vers l’actualité.
Actualité, parce que derrière une apparente légèreté, il est aisé de sentir poindre des thèmes d’une toute autre gravité. Certes, ce premier tome est relativement chargé de stéréotypes en tous genres, positifs ou négatifs, ce qui peut agacer. Mais il est aussi possible de s’interroger sur l'intention délibérée ou non, de la scénariste Sophie Michel, de jouer avec des situations familiales construites autour de poncifs aussi chargés en symboles. S’il ne se passe pas nécessairement grand-chose à proprement parler pendant cette "installation", il est vraisemblable que ce sont là de solides fondations qui se mettent en place pour la suite. L’apparente et relative tranquillité qui se fissure sur la fin laisse présager un changement de tempo qui devrait être des plus intéressants. L’évolution de ces trois filles, issues de milieux radicalement différents, alors que l’adolescence pointe son nez, avec son cortège de désillusions, n’ira pas sans poser des questions. A leur jeune âge les barrières sociales ne sont pas encore érigées et les trois petites se sont liées. Mais que va-t-il advenir de leur relation, lorsqu'adolecentes, les différences vont pointer le nez ? Les regroupements culturels, religieux et sociaux, vont-ils jouer pour reprendre insidieusement leurs droits « ad vitam aeternam » ? Ce sont apparemment des points que Sophie Michelle souhaite explorer ultérieurement.
Cette première partie laisse sur sa faim, dans l'attente de découvrir les chemins qu'emprunteront les auteurs. Ce qui ressemble pour l'heure à de grosses ficelles pourrait se révéler un leurre et la suite, qui conclura aussi l'histoire, pourrait bien révéler d'une véritable finesse pour développer un point de vue sur des sujets contemporains.
Chronique de la vie de 3 petites filles que rien ne prédispose à se rencontrer. Pourtant, le hasard de la vie fait qu'elles deviennent de bonnes copines et s'ouvrent, par la force des choses, à la différence.
Si les situations familiales sont un peu caricaturales (la famille immigrée, la maman qui chérit sa fille parce qu'elle l'élève seule, et la famille bourgeoise qui substitue l'amour au fric), le thème est bien traité et le graphisme élégant. De plus, il n'y a pas de manichéisme, ce qui est plutôt pas mal dans ce cadre très formaté.
C'est donc un album à lire. Je suis curieux de découvrir le 2ème tome mais je me demande si je vais l'acheter, vu que j'ai reçu celui-ci en cadeau pour mes achats nombreux chez mon libraire !!!
A lire dans l'attente de la suite qui permettra de juger cette série qui n'en est qu'à la présentation des personnages. Certes les auteurs ont réussi à nous émouvoir et à nous donner envie de connaître la suite mais pour l'instant ces destins croisés de petites filles sont un peu clichées. Et je trouve le dessin de Lepage mieux adapté à la vrai jungle qu'à la jungle urbaine.
A suivre donc.