Tout commence au sein du Catalogue des Merveilleuses Usines Mécaniques Modernes.
Il était une fois un gribouillis.
Un vilain gribouillis tout noir.
On l'avait fait en pensant à rien.
Juste pour essayer un stylo sur un bout de papier.
Et puis, on l'avait abandonné là.
Mal gribouillé... Pour l'éternité.
Un jour le gribouillis eut une démangeaison dans le dos.
Rares sont ceux qui comme Turf ose prendre de tels risques.
Qui oserait jeter un gribouillis informe sur une page blanche ?
Pour commencer une BD, avouez que ce n'est pas l'idéal !
L'audace de Turf consiste à transformer un catalogue de vente (style début 20ème siècle) en un univers tout ce qu'il y a de plus réel. En apparence seulement, car lorsque l'on commence à regarder entre les pages. C'est une autre histoire.
Point de monstres aux crocs acérés ni de magicien aux pouvoirs démentiels, mais des poupées, des draps ou autres poêles de chauffage. C'est bien simple, il vous suffit de transposer votre catalogue "La Redoute" ou "3 Suisses" au début du siècle dernier, d'y apposer un gribouillis, de vous balader au gré des pages et hop ! Vous y êtes.
Turf mélange ici le souci du détail (description complète des articles présentés au catalogue) à une grande maîtrise de la page blanche. Le dessin N&B est bien sur indispensable au contexte du début du 20ème siècle et colle parfaitement à l'austérité des lieux. De même, La qualité du trait est telle que beaucoup doivent lui envier sa capacité à animer un tas de gribouillis en un animal attachant presque doué de parole. Le support utilisé est exploité à merveille et par tous les bouts, le monde caché entre les pages en est la meilleure preuve. Du grand art qui ouvre de nouvelles perspectives sur les possibilités offertes aux auteurs d'utiliser des univers abracadabrantesques sans visiter la Terre du Milieu.
L'originalité de ce récit est liée à la forme (l'univers du catalogue) plus qu'au fond. Le scénario peut être considéré comme classique avec un héros malgré lui, un méchant très méchant, une princesse prisonnière d'un château lugubre et des forces de l'ordre bête comme leurs pieds (mais des draps ont-il des pieds ?).
Sans raconter la fin, il est bon de préciser qu'elle ne laisse pas sur sa faim (!), qu'elle n'est pas téléphonée, mais qu'elle permet l'ouverture sur un imaginaire sans limite si vous prenez la peine d'aller jusqu'à la toute dernière page.
Vous ne feuillèterez plus jamais un catalogue de la même manière !
Poster un avis sur cet album