D
ans le petit village rural de Namwon, les paysans labourent des champs qui paraissent aussi vastes que l’océan, mais qui s’avèrent finalement aussi minuscules que la paume de la main au moment de la récolte. Un milieu campagnard traditionnel empli de coutumes et de traditions, dont la dureté est adoucie par la présence de la petite taverne tenue par la mère d’Ihwa. Devenue veuve trop tôt, prisonnière de sa condition de femme coréenne, elle continue de faire face aux conversations et ragots des clients de son établissement, tout en se raccrochant à une complicité émouvante avec sa fille et une relation assez libre avec un écrivain public de passage.
Dix années ont passé depuis le début du premier tome et la jeune Ihwa s’est transformée en beau papillon. Son corps de jeune femme s’étant ouvert à de nouveaux sentiments plus sérieux après deux amourettes d’adolescente, elle semble maintenant vouloir voler de ses propres ailes. Malheureusement, Deok-sam, l’élu de son cœur, a dû fuir le village, et cet amour qui avait la douceur des friandises a maintenant le goût du sel. C’est donc dans la soif de l’autre que petit à petit Ihwa commence à comprendre ce que sa mère ressent en guettant l’horizon à la recherche de l’ombre de son écrivain ambulant.
Abandonnant ces deux femmes, qui au fil des saisons laissent libre cours à leurs sentiments amoureux, en fleurs, l’auteur coréen Kim Dong-hwa (La Bicyclette rouge chez Paquet), livre un shunjun (l’équivalent coréen du shojo) plein de sensibilité et un village qui embaume le parfum.
Même les moments de légèreté et d’humour qu’il intègre parfaitement à son récit sont emplis de poésie, de subtilité et de délicatesse. Ainsi les plaisanteries les plus grasses des ivrognes de la taverne recèlent un fond de vérité, car une fois débarrassées des sous-entendus obscènes, elles cachent également de vraies leçons de sagesse.
Si la poésie est un art, Kim Dong-hwa l’illustre aussi à merveille. Alternant des cases sans décors afin de se concentrer sur les personnages et leurs échanges de sentiments, avec des cases plus larges qui lui permettent de tirer la symbolique vers la nature en utilisant un maximum d’espace et de liberté, l’auteur propose un dessin gracieux qui renforce considérablement l'aspect poétique de cet album. En utilisant les formes, les couleurs, les odeurs et la symbolique de la nature, Kim Dong-hwa va parvenir à exprimer des émotions intimes avec une délicatesse extrême.
Si de nombreuses bandes dessinées se contentent d'utiliser la beauté plastique des femmes, Kim Dong-hwa leur rend ici l’hommage qu’elles méritent vraiment, dans le fond et dans la forme.
Chronique du T.1 :
- Histoire couleur terre
Une histoire d'amour toute simple qui se poursuit, amour entre jeune fille et jeune homme, entre femme et homme mûrs, entre mère et fille... Histoire vue côté femmes, côté ancré à la terre, au foyer, dans l'attente...
au rythme des saisons, des caresses de papillons sur les fleurs, du mouvement des étoiles dans le ciel, du coeur qui bat pour celui qui est loin...
C'est très lent, d'une indéniable délicatesse graphique, et d'un érotisme pudique:
à mille lieux de notre vécu occidental!