A
vant de s’attaquer à cette interprétation de l'oeuvre fantastique de Bram Stoker, Françoise-Sylvie Pauly et Pascal Croci avaient fait le choix de réaliser un premier tome portant sur le personnage historique Le prince Valaque Vlad Tepes, en y intégrant une passerelle au roman L’invitée de Dracula écrit par la co-scénariste. Dans ce second album qui clôture ce diptyque, le duo s’atèle au domaine de la légende. Le mythe raconté par Bram Stocker ne retranscrit pas à la lettre le roman, mais en reprend quatre grandes phases avec trois narrateurs. Fin du XIXè siècle, J. Harker, jeune clerc de notaire évoque son trajet où, hanté par une angoisse sourde, il se perd dans tous les sens du terme. Son arrivée au château du comte provoque chez lui une fascination qui va vite céder place à la terreur, liée à l’emprise qu’exerce ce lieu. Pendant ce temps-là, à Whitby en Angleterre, Mina Harker désespère de voir revenir son jeune époux. C’est alors que l’arrivée d’un navire fantôme au port défraye la chronique locale. Enfin, dans la dernière partie, le docteur Van Helsing retrace sa traque sur les terres du vampire.
Cette BD s’apparente plus à un livre d’illustrations organisé autour de textes fidèlement extraits du roman qu’à un véritable récit. Pour celui qui ne l’aura pas lu, ou tout du moins n’aura pas vu l’une des adaptations cinématographiques il n'y a pas réellement d’histoire à laquelle se raccrocher. En revanche, c’est une véritable ambiance qui s’en dégage, sans doute assez proche de ce que peut ressentir l’enfant en regardant Le bal des vampires de R. Polanski, c'est-à-dire en faisant abstraction totale du côté humoristique. Restent des décors et des visages.
Les paysages sont d’une beauté glaçante, l’architecture à haute symbolique gothique est magistrale et propre à insinuer une peur qui rend fou : qu’est-ce qui est vrai dans ce que je vois ? A ce titre, le souci du détail se mêle à une subtile évolution des formes propre à la vision de chacun. Ainsi le château ne semble pas avoir de cohérence architecturale absolue dans la continuité. P. Croci, encore plus que pour le précédent volume, utilise tout l’espace disponible et offre des dimensions à la hauteur pour certaines scènes primordiales. En témoigne ce tableau du Déméter balloté dans une mer déchaînée aux abords de Whitby. L'usage de la couleur directe est admirablement maîtrisé. L'auteur utilise les différents niveaux de gris avec maestria, seules quelques teintes rouges viennent timidement et ponctuellement rappeler l’idée d’un sang qui semble comme absent des corps malades des protagonistes. La pâleur de ces derniers et leurs traits creusés ne sont pas sans faire penser aux films d’animation de Tim Burton. La représentation des trois femmes de Dracula obéit pleinement à ce concept, grandes, élancées et aux extrémités sans fins, elles mènent, parées de capes dans des nuances bleutées, un ballet virevoltant qui permet un véritable jeu d’ombres fantasmagoriques. L’ombre est d’ailleurs le seul médium que le dessinateur s’est autorisé à emprunter pour représenter Dracula, placé de la sorte au-delà du commun. Le résultat est probant, sa présence pèse en permanence.
Dracula, le mythe raconté par Bram Stoker, n’est donc pas à prendre comme une adaptation fidèle, mais comme une mise en abîme dans ce monde et sa poésie, sur ce point c’est une réussite. Maintenant, tout le problème est posé là : quel public pour cette bande dessinée ? Car n’attendez pas en l’ouvrant une histoire, vous seriez déçus. Si le sujet et son approche vous parlent, laissez-vous juste bercer par le texte et l’atmosphère lugubre du graphisme. Prenez le temps.
Chronique du T.1 :
- Dracula, le Prince Valaque Vlad Tepes
Des extraits du récit de Bram Stocker accompagnés de parfois très belles planches de Croci. C'est très beau et on reconnaît bien la patte de Croci (notamment les visages des personnages au traits et expressions bien particuliers). Le hic c'est que c'est très beau, comme je l'ai déjà dit, mais que c'est tout aussi ennuyeux, à mon goût en tous cas. Le récit à parfois du mal à bien s'articuler au dessin et les nombreuses coupures de récit (changement de lieu et d'époque) font que j'ai eu du mal à bien me plonger dans dans l'histoire. Bref, personnellement un peu deçu.