« Avant les trois coups ou toutes les facettes du théâtre ».
Tout commence sur une inhumation, le narrateur est perdu dans ses pensées où il analyse le comportement des personnes présentes « C’était une cérémonie sans réelle émotion ... tout manquait de rythme, de conviction », compare, évalue « On était loin de l’enterrement de ... ». Un couple d’amis avec lesquels il entretient une relation improbable. Une famille d’une banalité à faire pleurer nageant dans le non-dit. Un homme trop classique dont la façade dissimule de bien tortueuses ramifications. En est-il seulement conscient ? Pourquoi est-il attiré par ces funérailles à l’instar de cet homme qu’il y croise de manière récurrente et qui semble aussi insensible et peu concerné que lui par ce qui s’y passe ?
Impossible d’annoncer plus d’éléments de cette histoire sans trop en raconter. A l’image d’autres albums qu’il a illustrés, dès les premières pages, De Metter plonge son lecteur dans une atmosphère hautement malsaine. Le scénario de Caro, basé sur le roman du même nom paru chez Gallimard en 2006, est taillé sur mesure pour le trait du dessinateur ou plutôt le coup de pinceau. L’usage des couleurs est tout particulièrement maîtrisé. A titre d’exemple, les teintes oscillantes autour du verdâtre ont un triple niveau de signification assez évocateur : un cadre désuet et sordide, des faciès maladifs comme à l’aube d’une mort qui a pris le temps de s’installer et enfin, un sentiment d’immersion dans une dimension parallèle ou tout se fige autour des protagonistes. Dans cette lente descente aux enfers, une cuite d'anthologie forcera le respect de tous les connaisseurs.
Traiter en bande dessinée cette frontière équivoque située entre la réalité et son côté obscur n’est jamais une simple affaire. Dans le cas présent, c’est une réussite et le lecteur aura tendance à y retrouver certaines ambiances de films. On retrouve dans les scènes se situant dans des troquets, la froideur du restaurant que C. Chabrol a filmé dans Betty et la duplicité de ce monde ne serait sans doute pas reniée par D. Lynch. Chaque détail y a son intérêt, qu’il soit saisissable ou non, amenant tantôt le lecteur face à une banalité déconcertante, tantôt face à une donnée laissée en suspens. En témoigne une batterie de cadeaux offerts variant d’une insignifiante canne à pêche à un emballage en forme de boîte qui semble ne jamais vouloir s’ouvrir.
Doute enfantin ou parano adulte ? Figurec renferme une question que tout homme s’est au moins posée un jour. La réponse pourrait être : « Derrière le rideau ou toutes les facettes du théâtre ».
Très difficile à décrire sans trop en dire ou trop peu en dire.
De Metter joue souvent sur des tableaux conquis à l'avance, des histoires non banales dont un garde un souvenir impérissable. Ici, on ne se rappellera pas nécessairement de tous les détails de l'histoire, qui dans le roman, doit être assez touffue, mais sans vouloir gâcher un plaisir, on se rappellera des dernières pages.
Le contraste des couleurs, la descente aux enfers psychologique de notre héros, les découvertes s'enchaînant font de cette bd un bon moment à passer...
Deux personnes fréquentent en visiteurs les mêmes enterrements ... l'homme interpelle notre narrateur d'une remarque complice qu'il ne comprend pas...
un suspens s'installe... et dure un certain temps avant qu'on ait une idée du sujet réel du roman...
... l'auteur fait monter l'angoisse qui suit progressivement les révélations et la perturbation mentale du héros (narrateur): le lecteur finit, comme le héros, par douter de tout et de tous, même des êtres proches, connus depuis des années...
et on arrive à un dénouement assez inattendu!
C'est vraiment bien raconté et j'aime toujours autant le traitement graphique de De Metter! rien que la couverture: le contraste entre l'idée de cadeau et la la tronche du mec posée sur un décors glauque avec un graffiti délicat...
...les émotions sur les visages en gros plans, un contre-jour sur une scène intimiste, un duo de désespoir alcoolisé...
J'ai vraiment beaucoup aimé!