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u détour d'un bois et d'une conversation avec une vieille femme - une sorcière ? - Violette apprend le retour d'un apprenti qui a terminé son Tour de France. Celui-ci aura probablement croisé Bourguignon. Venant aux nouvelles, la jeune femme se trouve prise dans les rêts d'une idylle naissante. Mais pour qui la mère de son amoureux laisse t'elle une assiette, le soir ? Et qui sont ces enfants qui relèvent les collets de notre héroïne ?
Il en est de Tendre Violette comme de beaucoup de ces grandes séries des années 80 qui ont vieilli d'un coup. L'avènement de l'heroic-fantasy a détourné le lectorat bédéphile de ces bluettes tendres sur fond de revendication écologique, dont la force vient de l'adhésion du lecteur à des idées d'entraide entre les humains et de protection de l'environnement, puissantes au "siècle dernier" mais souvent abandonnées aujourd'hui au pofit d'un je-m'en-foutisme voire d'un égoïsme qui est dans ce qu'on appelle "l'air du temps". Une pollution de plus ou de moins, notre pauvre air n'en est plus à ça près. Ainsi, la sortie des Enfants de la citadelle, qui aurait du faire grand bruit, s'est déroulée dans l'anonymat le plus complet, malgré un sticker proclamant "un nouveau tome". Et pourtant, cet album est très réussi. L'histoire, mélangeant habilement souvenirs de la Révolution Française et remugles nauséeux d'un certain aspect de la Libération, montre une nouvelle fois Violette sous son aspect le plus humaniste, loin de l'image de la sauvageonne dans laquelle on a voulu l'enfermer. Simple changement de pays, l'histoire se déroule dans les Ardennes françaises, peut-être pour montrer que, quel que soit le côté de la frontière où l'on se trouve, les hommes peuvent être aussi mauvais et aussi vils.
Paradoxalement, le graphisme de Servais paraît moins daté dans Tendre Violette que dans L'assassin qui parle aux oiseaux, peut-être parce que l'histoire de déroule dans un univers difficilement datable. Il n'y a que les couleurs de Raives, un peu passées, qui rattachent visuellement l'album à une autre ère de la bande dessinée. Mais est-ce réellement un mal ?
A la lecture de Tendre Violette on replonge dans un univers dur, fait de visages taillés à la serpette, de vêtements amochés et des couleurs ternes de l'immédiat après-guerre. L'immersion est totale et on en ressort un peu dérangé, comme toujours avec les histoires qui donnent envie d'interroger ses parents ou grands-parents sur le rôle qu'ils ont tenu il y a 60 ans.
Cette histoire en deux tomes permet à Servais de ne pas se presser sur la mise en place du scénario, proposant de par ce fait un album très doux qui tranche un peu avec l'aspect dramatique des précédents. Mais tout n'est bien évidemment pas rose et l'atmosphère d'après-guerre est très bien développée. Encore un bel album donc pour la série d'un très grand dessinateur.