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lex Hunter n'a pas de chance : après s'être copieusement perdu dans la cambrousse anglaise, sa voiture va quitter la route et s'encastrer dans un arbre. Perte de connaissance. A son réveil, Alex se trouve dans le cabinet du médecin de la ville de Strangehaven où tout le monde est décidément très gentil avec le nouvel arrivant. Alex se remet de ses blessures, songe au départ, mais il se perd de nouveau et sa route le ramènera encore à Strangehaven où il décide finalement de se fixer un temps. Banal destin ? L'apparente quiétude de Strangehaven cache pourtant bien des secrets...
Si Alex Hunter ne semble pas se poser beaucoup de questions sur son sort, le lecteur lui en aurait presque le cerveau en ébullition à force d'interrogations ! Qui sont vraiment les habitants de Strangehaven ? Que ce soit Janey, dont le désir pour Alex confine à l'hystérie, ou sa logeuse, Mme McCreadie qui ne sort jamais sans sa boite de chaussures, ou encore Adam qui semble échappé des Hell's Angel et se déclare venir de la planète Nimoi, ou pour finir, Meg le shaman blanc d'Amazonie, le moins que l'on puisse en dire est que cela fait une galerie d'excentriques bien importante pour un si petit village. Et encore celle-ci est bien incomplète, une secte semble même avoir ses quartiers à Strangehaven !
Mais une telle richesse ne serait rien sans un solide talent de conteur. Et il ne fait pas défaut à Gary Spencer Millidge. A partir d'une réalité des plus triviales, Millidge amène son lecteur à regarder à travers une vitre légérement déformante, donnant à la moindre scène une coloration inquiétante. Les références sont nombreuses, que l'on y voie du Twin Peaks (pour sa galerie de personnages bizarres et son ambiance si particulière) ou du Prisonnier (rappelez-vous ce village si difficile à quitter, et d'ailleurs à quel numéro habite Alex ?), ou même du Sin City (le gentil docteur ne ressemble-t-il pas comme à un frère à l'effrayant Kevin ?), Strangehaven la bien nommée possède son charme propre et reste des plus originales.
Millidge ne semble en revanche pas toujours des plus à l'aise au dessin lorsqu'il s'agit de dessiner des visages (ses femmes particulièrement en pâtissent) alors que certains passages sont d'un réalisme quasi-photographique. Il serait dommage de ne pas faire l'effort de dépasser ces petites imperfections graphiques, ce premier volume vaut le détour !
Une mention particulière à cette édition à la forte pagination qui permet vraiment au lecteur de se plonger doucement mais sûrement dans les méandres de Strangehaven. Quant à l'attente, elle sera de courte durée : la suite en Juin !
Série indéfinissable qui louche incontestablement vers la série TV "le prisonnier" avec une touche de "Twin Peaks"; quant au début c'est celui du film "Alice ou la dernière fugue" de Claude Chabrol (1977).
Est-ce vraiment prenant ? Non
Est-ce rasoir ? Pas davantage.
C'est simplement bizarre et anormal -dans son acception première.
A lire non pas d'une traite mais à petites gorgées comme on le ferait d'un vieux whisky fortement tourbé qui laisse un goût spécial dans la bouche et pour lequel on se sait si c'est vraiment bon ou mauvais; et dont on attend la prochaine gorgée pour se faire une idée.
Lu ce jour, excellente et intrigante BD.
Si effectivement le dessin n'est peut-être pas encore à maturité (notamment en ce qui concerne certaines expressions de visages), le scénario ou plutôt la mise en place des événements est particulièrement intèressante. On y retrouve certaines similitudes avec l'univers "Lynchéen" (si l'on enlève le souci d'esthétique du cinéaste) et particulièrement celui de "twin peaks", que de bons souvenirs...
Pour sûr, je vais guetter la suite.